Orateur(s)
Sophie Laguesse Chercheuse au sein du GIGA-Neurosciences (ULiège)
Thibaut Rossigneux Directeur (La Cie Les Sens des Mots)
Ayelen Parolin Chorégraphe
Pierre Dauby Physicien Faculté des Sciences (ULiège)

Quand arts et sciences se rencontrent

LIEGE CREATIVE in Plug-R
    Résumé

    Nous nous intéressions hier au décloisonnement entre arts et sciences, en collaboration avec la Maison des Sciences de l’Homme, Réjouisciences (ULiège) et le Théâtre de Liège, dans la cadre du festival IMPACT 100% digital et la Nuit des Chercheurs 2020.

    La rencontre s’est déroulée en deux temps, deux partages d’expérience.

    Durant le premier, nous avons interrogé Sophie Laguesse et Thibault Rossigneux sur leur implication dans le projet Binôme, et la création issue de la rencontre entre cette dernière (GIGA – Neurosciences ULiège) et l’auteur Hakim Bah sur l'édition 2019, appelée « Dislocation cervicale ».

    [4min54 à 15min50] T. Rossigneux, fondateur de Binôme, a rappelé le dispositif singulier du projet qui est né d’une contrainte (délai court et peu de moyens). Un chercheur rencontre un auteur. Aucun des deux ne connaît l’autre avant leur première rencontre. Celle-ci se déroule face caméra, pendant 50 minutes au cours desquelles le duo apprend à se connaître. Le chercheur explique ses travaux. Il y a toujours un peu d’incompréhension et beaucoup de questions. Ensuite, pendant plusieurs semaines, le duo n’a plus de contact. L’auteur rédige la pièce de théâtre. Lorsque le chercheur découvre le texte, il est également filmé.

    T. Rossigneux se souvient de ces moments partagés entre Sophie Laguesse et Hakim Bah, de l’incompréhension d’Hakim puis de sa surprise lorsqu’il a compris que Sophie devait tuer les souris dont elle examine le cerveau dans le cadre de ses recherches. Il revient également sur les a priori dont il était pétri avant de commencer ces projets et de comment la réalisation de ceux-ci l’a fait bouger dans sa conception de la recherche et des chercheurs. Ce qui demeure, au fil du temps, c’est le « risque », le défi de mettre ensemble des personnalités aussi « monomaniaques » que peuvent l’être un chercheur et un artiste. Ce qui s’est révélé assez heureux, c’est la façon dont trouvent à s’accorder les obsessions des uns et des autres.

    Le décloisonnement, pour T. Rossigneux, est le maître-mot du dispositif qu’est Binôme. Il autorise un véritable rapprochement entre science et société. C’est un pont entre deux secteurs publics (financement public) – le secteur théâtral ou culturel et le secteur de la recherche – qui ont en partage la liberté et la fragilité liées à leur dimension publique. Cette dimension est, pense-t-il, la condition de ce décloisonnement. Avec une firme privée, on courrait le risque d’une forme d’instrumentalisation. Binôme ne peut pas être un outil promotionnel. C’est un projet libre de recherche et de création.

    Une précision : les artistes sélectionnés le sont selon un pur hasard, les exigences d’agenda des uns et des autres. Il n’y a pas de « préméditation » ni d’anticipation. Cela engendre des rencontres surprenantes.

    [17min40 à 31min53] Sophie Laguesse ( GIGA – Neurosciences ULiège) résume l’objet de ses travaux : les abus d’alcool à l’adolescence, alors que le cerveau n’est pas encore mature, et les conséquences à l’âge adulte (troubles multiples).

    Ce qui l’a séduite dans le projet Binôme, c’est la similitude avec les expériences scientifiques « à tâtons » dont on ne sait pas ce qu’elles peuvent donner et qui débouchent parfois sur de très belles découvertes.

    Quand elle a découvert le texte de la pièce, S. Laguesse a d’abord été très surprise, puis très émue. Elle a éprouvé un réel plaisir, voire de la joie, quand elle a découvert la dimension personnelle de la pièce. Ses difficultés sont présentées de manière assez fine. C’est assez inhabituel, pour un chercheur, que ses difficultés soient perçues et présentées. La pièce de théâtre autorise cela : montrer le trouble du chercheur.

    La représentation – toutes les représentations – nuancent encore le propos. Les représentations théâtrales sont aussi l’occasion de rendre perceptible l’ouverture du public pour les recherches scientifiques. Elles permettent également, d’élargir l’horizon du chercheur lui-même.

    Les effets de Binôme sont, pour S. Laguesse, bénéfiques : des relations se sont nouées entre la chercheuse et divers organismes de diffusion des sciences, des liens avec les publics ont été établis. De plus, elle remarque qu’elle peut participer, nourrir et intensifier le dialogue nécessaire entre science et société.

    Question de T. Rossigneux à S. Laguesse : quand as-tu pensé à Hakim pour la dernière fois ? Sophie répond qu’à chaque fois qu’elle utilise la cuillère à cerveau, elle pense à lui, à sa surprise.

    Question de S. Laguesse à T. Rossigneux : à quoi ressemblera Binôme dans dix ans ? Thibault rappelle qu’il voulait s’arrêter après cinq éditions, mais Binôme a fêté ses dix ans sans qu’il mette un terme au projet. Il est certain que les événements récents ont modifié Binôme (« Binôme à la carte » et Binôme « tout numérique » qui aboutit à une sorte de court métrage). C’est l’extérieur qui fait bouger Binôme, aussi il ne peut anticiper l’avenir de ce projet.

    Durant le second temps, nous avons laissé le Théâtre de Liège intervenir avec Ayelen Parolin (chorégraphe) et Pierre Dauby (physicien – Fac Sciences – Uliège ) sur « Weg », un spectacle de danse qui développe la théorie du chaos.

    [32min00 à 55min13] A. Parolin avait énormément de questions. Pour P. Dauby, ce projet « arts et sciences » était source d’appréhension et de curiosité. C’était une inconnue totale. L’échange avec les artistes et leur prestation a souligné, avec beaucoup de force, l’importance de la créativité en recherche. Il a apprécié la joie presque palpable, visible sur scène. Il note également l’importance de la musique (sorte de flux vital pour que les danseurs s’auto-organisent).

    • Le spectacle donne une autre image de la science, une image d’où la dimension ludique et l’humour ne sont pas absents.
    • Art et science ne sont pas restés sur leur rive. Ils ont engendré un troisième espace. Le décloisonnement est effectif.

    En effet, la rencontre entre les danseurs et les scientifiques ne s’est pas cantonnée à un simple échange de « questions/réponses ». Avant la rencontre entre la chorégraphe et le physicien, il s’agissait de parler de Chaos. Mais, au fur et à mesure de la co-construction du spectacle, il y a eu une évolution vers la thématique de l’auto-organisation des systèmes. A travers ses explications, Dauby a pu impressionner les danseurs par des images, notamment les images des structures laissées par le sel lors de l’asséchement d’un lac bolivien.

    RETROUVEZ LE REPLAY CI-DESSOUS :

    Les initiatives pour rapprocher les univers de la recherche et de la création artistique sont nombreuses. En témoigne, notamment, le Festival Impact qui prend appui sur la rencontre entre les arts de la scène et les nouvelles technologies.
    Par ailleurs, des liens étroits existent entre l’Université de Liège et le Théâtre de Liège dans un double flux d’échanges de points de vue et de partage de regards.

    La rencontre que nous vous proposons voit le jour à l’occasion de la déprogrammation du spectacle Binôme (en raison du contexte sanitaire).
    Binôme nous plonge dans une création artistique originale, inspirée d’une recherche scientifique. Le résultat offre un regard inhabituel sur la science et sur ceux qui la font. Sophie Laguesse, chercheuse au sein du GIGA-Neurosciences (ULiège) nous partagera l'expérience de sa rencontre avec l’auteur Hakim Bah. Son propos croisera celui de Thibault Rossigneux qui témoignera de la richesse de ce projet qu’il a initié il y a 10 ans et qui a donné lieu à plus de 40 créations artistiques inspirées de recherches scientifiques.

    Quels sont les points communs entre arts et sciences? Pourquoi est-il important de croiser les regards, de questionner les frontières à travers l'organisation d'espaces de rencontres, tel que binôme? Telles sont quelques-unes des questions qui seront discutées à l’occasion de cette rencontre-conférence qui réunira également la chorégraphe Ayelen Parolin et le physicien Pierre Dauby, amenés récemment, eux aussi, à croiser leurs univers pour la création chorégraphique "Weg" (2019).

    Une rencontre organisée par LIEGE CREATIVE, la Maison des Sciences de l'Homme, Réjouisciences (ULiège) et le Théâtre de Liège, dans le cadre du Festival IMPACT 100% digital et de la Nuit des Chercheurs 2020.

    Afin de favoriser les échanges, cette rencontre-conférence en ligne est prévue pour 25 participants. Le lien pour accéder à la conférence vous sera communiqué quelques jours avant l'événement.