Orateur(s)
Sébastien Brunet Professeur (Faculté de Droit, de Science politique et de Criminologie, Cité, ULiège) et Administrateur Général (IWEPS)
Christine Mahy Secrétaire Générale (Réseau Wallon de Lutte Contre la Pauvreté)

Sobriété dans nos modes de vie : un choix ?

    Résumé

    Sébastien Brunet, professeur à l’ULiège et administrateur général de l’IWEPS, a débuté la rencontre par quelques chiffres et statistiques faisant l’état des lieux de la situation de pauvreté en Belgique. Il a présenté différentes méthodes utilisées pour appréhender la pauvreté en Wallonie et calculer le seuil de pauvreté ou taux de risque de pauvreté : le revenu-équivalent, la privation matérielle et sociale, le taux de revenu d’intégration sociale…

    Le plus important à garder à l’esprit, c’est qu’il y a toujours une différence entre les statistiques et la réalité qu’elles tentent de décrire. Ces chiffres sont donc à prendre avec précaution mais ils permettent de voir des évolutions. Un constat interpellant est que, depuis 2004, le niveau de pauvreté est resté assez stable. On observe également une persistance de la pauvreté dans le temps et au sein d’une même famille. La répartition de la pauvreté n’est pas non plus homogène géographiquement, à l’échelle nationale comme à celle d’une commune.

    Christine Mahy, secrétaire générale du Réseau Wallon de Lutte Contre la Pauvreté, a ensuite exemplifié comment la pauvreté s’exprimait sur le terrain. Ceux qui ont trop peu de tout n’ont pas accès aux droits fondamentaux (culture, éducation santé...) et sont en tension permanente issue d’un cumul de trop peu, déconsidérés et accusés de ne pas savoir gérer l’argent. 

    Nos orateurs se sont ensuite penchés sur la question de la sobriété. Sébastien Brunet a rappelé l’approche extractiviste de la société actuelle, qui est dans une logique d’épuisement des ressources comme des individus, et à la source d’inégalités extraordinaires dans le monde (il n’y a jamais eu autant de millionnaires). Nous ne sommes donc pas tous dans le même bateau et les pauvres ont besoin de ressources et d’un aménagement collectif du territoire. Pour Christine Mahy, une manière de pratiquer la sobriété serait d’éradiquer la pauvreté car les personnes dans la survie ne peuvent pas utiliser leur potentiel et leur créativité et se mobiliser pour participer à la collectivité. Lorsqu’on est pauvre, on est sobre car on sous-consomme de tout (mobilité, alimentation, culture…) mais on y est contraint.

    Sébastien Brunet a également questionné le fonctionnement de l’Etat, qui accumule les couches bloquantes de réglementations et de normes. Comment mettre en place une vision et un positionnement politique qui sortent de la logique de gestion actuelle et soient capables de choix de rupture ? Christine Mahy a donné l’exemple du statut de cohabitant qui empêche les gens de vivre solidairement ensemble, alors même que nos modes de vie changent en ce sens (colocation, etc.). Elle a également évoqué la question de la sortie du sans-abrisme, qui n’a été que très récemment considérée par les politiques belges.

    Pour Sébastien Brunet, il ne faut pas travailler sur la résilience mais sur la robustesse de notre société ; être dans la prospective et essayer d’avoir une vue globale. Il a également souligné l’importance de dégager des espace-temps de réflexion et de discussions collectives, des espaces de décélération permettant de se pencher sur notre futur et nos problèmes de société.

    La rencontre, animée par Hugues Dorzée, rédacteur en chef du magazine Imagine Demain le monde, s’est poursuivi par un échange avec la salle lors duquel d’autres problématiques sont ressorties comme le rôle des indicateurs, le rôle des solidarités par rapport à celui de l’Etat ou encore la question de la fiscalité.

    Retrouvez ci-dessous les présentations de la rencontre

    Sobriété dans nos modes de vie : un choix ? from LIEGE CREATIVE

    Cette rencontre est à présent complète.

    Crise énergétique, changements climatiques, accroissement des inégalités interrogent nos modes actuels de production, de consommation, et de vie. La sobriété, par la vision de société qu’elle porte, peut être une réponse intéressante à explorer, mais elle nécessite d’être questionnée. Quelles visions de la société, des solidarités, des vulnérabilités et du collectif se trouvent derrière cette terminologie ? S’alimenter, se déplacer, s’équiper… dispose-t-on, toutes et tous, du choix de la sobriété ? Comment conjuguer enjeux de durabilité, vulnérabilités individuelles et protections collectives ?

    Dans la poursuite des échanges générés à l’occasion de notre conférence de lancement de saison, centrée sur la « sobriété en tant que levier pour la transition », cette rencontre entre Christine Mahy, figure emblématique de la lutte contre la pauvreté, et Sébastien Brunet permettra de réinterroger cet « idéal » de sobriété au regard de la réalité socio-économique et des enjeux qu'elle charrie.

    Cette rencontre-conférence est organisée en collaboration avec la MSH (ULiège)



    Modérateur : Hugues Dorzée, Rédacteur en chef (Magazine "Imagine Demain le monde")