Orateur(s)
Jean-Philippe Possoz Chef de Travaux (Faculté d'Architecture, ULiège)
Philippe Hébert Cofondateur (Hellow)

Vers des maisons sobres ?

    Résumé

    La conférence a débuté par une présentation des parcours respectifs des deux orateurs, Jean-Philippe Possoz, chef de Travaux à la Faculté d'Architecture (ULiège) et Philippe Hébert, cofondateur de la coopérative Hellow.

    Après une formation en architecture, une expatriation en Islande et un DEA en architecture et développement durable, Jean-Philippe Possoz a orienté sa pratique professionnelle pour tenir compte des enjeux de durabilité, et c’est également tourné vers l’enseignement. Il a également expérimenté des pratiques d’auto-rénovation, aujourd’hui encouragées chez ses étudiants, afin qu’ils construisent eux-mêmes les projets qu’ils imaginent pour se confronter à la réalité de terrain.

    Philippe Hébert a quant à lui, une formation d’ingénieur en chimie et sciences des matériaux. Après la découverte des enjeux climatiques et énergétiques, il se lance dans l’auto-rénovation et découvre le contact avec la matière. Il se questionne alors sur la manière de repenser le rôle de l’habitat pour en faire une source d’émancipation. La création de la coopérative Hellow, qui se veut accélératrice de sobriété, apparait comme la suite logique de ces réflexions. Hellow entend développer la démarche low-tech dans l’habitat en proposant plusieurs produits et services (construction d’habitat sobre standard ou sur-mesure, équipements low-tech, accompagnement à l’auto-construction ou encore formations).

    Jean-Philippe Possoz nous a ensuite partagé sa réflexion sur « penser l’habitat, penser l’habité ». Hérité des années 70, nous vivons actuellement dans une approche réductionniste qui modélise et standardise l'habitat avec une réglementation qui vise la performance et l’efficacité de l’habitat. L'approche, qu'il préconise, serait l’approche holistique qui encapacite et particularise en mettant les habitants en projet et en expérimentant au départ des pratiques des habitants. Cette deuxième approche mobilise le concept de sobriété, au contraire de la première.  

    L’orateur a présenté une définition de la sobriété en insistant sur certains mots-clés : dimension collective, pratiques de modération et de mesure (la difficulté étant de définir la zone entre mesure et démesure), sobriété et ébriété. Nos représentations jouent également un rôle important pour imaginer ce qu’est un « logement confortable ». On peut distinguer différents types de sobriété :  

    • D’usage : réduire la durée ou la fréquence de certaines activités intensives en énergie 
    • De substitution : satisfaire un besoin de manière différente 
    • Dimensionnelle : redimensionner  
    • Collaborative : mutualiser  

    Cette démarche essaye avant tout de mieux comprendre nos besoins.

    Jean-Philippe Possoz a ensuite mis en avant plusieurs projets. Le premier interroge la production du logement par des opérateurs privés et publics. Dans le cadre d’un concours, il s’agissait de proposer de nouvelles typologies d’habitats en réalisant un travail nécessaire sur leurs besoins, plutôt que d’imaginer un projet pour un habitant lambda ou normalisé (dans ce cas-ci un habitant de logement social lambda). Cette proposition incluait des modules permettant d’avoir un espace à soi confortable, chauffable et extensible, complété par des espaces non-chauffés amplifiés (terrasses, jardins) pour vivre de manière saisonnière. Un volet auto- et co-construction avec l’habitant pour qu’il s’approprie son habitat était aussi envisagé.

    Le deuxième projet est une reconversion d’un appartement en habitat groupé/collectif avec comme avantage, l'interaction avec les habitants et, comme désavantage, la difficulté de partir d’un bâtiment déjà existant (contrainte d’isolation par l’intérieur notamment). La sobriété de substitution est appliquée ici via la manière de se chauffer/se rafraîchir dans l’habitation en appliquant le slow-heating (chauffage des corps plutôt que des espaces) avec un zonage thermique et une réorganisation en fonction des saisons (poêle à bois et rideau thermique pour créer un sas).

    Le troisième projet correspond à la conception d’une maison sobre (environ 72 m2 de surface habitable pour 3 personnes). Parmi les difficultés rencontrées se trouve la réglementation PEB, non adaptée aux familles nombreuses et qui ne soutient pas actuellement les démarches de sobriété. Ce projet a aussi permis à Jean-Philippe Possoz d’expérimenter une nouvelle manière de travailler plus sobre (déplacement à vélo jusqu’au client, utilisation du crayon,...). L’orateur a mis en avant la relation architecte-client qui lui a permis de co-construire un projet d’habiter en discutant avec le client de toutes ses activités et priorités personnelles.  

    En conclusion, il propose une approche holistique de la conception, basée sur la co-construction, pour revoir l’acte d’habiter. Il propose aussi d’augmenter l’épaisseur des représentations dans le travail des architectes (relevé habité).

    Philippe Hébert a ensuite réalisé un zoom sur l’habitat léger ou réversible, sur lequel travaille Hellow et qui applique bien les principes low-tech (voir slide 25). En Wallonie, un habitat est léger, s’il réunit au moins 3 des critères suivants : démontable, déplaçable, d’un volume réduit, d’un faible poids, ayant une emprise au sol limitée, auto-construite, sans étage(s), sans fondations, non raccordé aux impétrants. En France, on parle plutôt d’habitat réversible : mobile, transportable, démontable ou biodégradable (Kerterre par exemple).  

    Philippe Hébert a présenté une maison témoin qui a permis de tester des techniques low-tech dans une logique d’autonomie (qui ne marche que s’il y a une sobriété dans l’usage). La contrainte au niveau du poids et des dimensions était d’éviter le convoi exceptionnel pour son déplacement. Les fonctionnalités sont les mêmes que pour une maison (salon, cuisine, salle de bain, chambre, bureau). Pour la chaleur, on combine plusieurs sources : humaine, vitres, capteur air ardoise, poêle à bois. Une autre contrainte est de consommer le moins d’électricité possible, le frigo étant l’appareil qui consomme le plus dans leur cas (la solution proposée étant d’utiliser un frigo extérieur en hiver). Parmi les techniques low-tech employées, on trouve : la marmite norvégienne, le récupérateur d’eau de pluie, la toilette sèche… Philippe Hébert a expliqué le bilan de cette expérience (en termes de matériaux, carbone, consommation, bien-être…). Hellow souhaite élargir ce contexte à d’autres cas en proposant une mini-maison familiale modulaire et réversible. Celle-ci pourrait évoluer pour s’adapter à un contexte de vie changeant.  

    Les deux orateurs ont enfin partagé leur synthèse commune. La sobriété devient un terme de plus en plus courant. La démarche low-tech appliquée de façon plus générale pose cette question : qu’est-ce qui nous suffit (on questionne notre besoin) pour nous épanouir (pour mieux vivre et se développer personnellement) collectivement (question politique) dans un monde contraint (en cohérence avec les limites planétaires) ?

    Ils pensent que l’entrepreneuriat low-tech est possible en respectant certains principes. La sobriété dans l’habitat peut se jouer sur plusieurs plans : intensifier l’usage, consommer moins, consommer mieux… Une démarche low-tech appliquée à l’habitat doit être utile, durable et accessible.

    Deux freins identifiés sont l’accessibilité financière et le cadre réglementaire et normatif. Faire évoluer ce dernier pour permettre plus de sobriété à côté de l’efficacité, et développer des politiques publiques favorisant la sobriété dans le secteur du bâtiment apporterait des solutions. Si on prend au sérieux la Théorie du Donut, on a créé des mesures pour le plancher (social) mais pas pour le plafond (limites planétaires).  D’autres freins sont plutôt liés à notre système économique (hypothèse des ressources abondantes et gratuites), culturels ou psychologiques (confusion entre besoin et envie).  

    Pour terminer, plusieurs leviers ont été évoqués : la formation aux enjeux, le développement d’un nouvel imaginaire autour de la sobriété (amélioration de son quotidien et de sa qualité de vie, projet de société régénératif et futur enviable), repenser l’approche du confort et de sa représentation et se (re)préoccuper de l’énergie (fortement liée au confort matériel). 

    Retrouvez ci-dessous les slides de la présentations :

    Vers des maisons sobres ? from LIEGE CREATIVE

    Et si nous questionnions les besoins et les usages de chacun afin de concevoir et de construire un habitat sobre ? Et si nous retournions vers un habitat qui se veut recentré sur l’essentiel, optimal, durable (fiable et peu énergivore), accessible (facilement réparable et simple d’utilisation) ?

    Face à ces questions, aujourd’hui, des pistes de réponses orientent vers une approche low tech pour concevoir et construire l’habitat.

    Hellow est une coopérative wallonne qui a pour mission d’ouvrir la société à un habitat plus conscient écologiquement, philosophiquement et financièrement. Jean-Philippe Possoz est chercheur au sein de la Faculté d’Architecture (ULiège), soucieux d’une approche durable en architecture.

    Tous deux partageront leur point de vue, présenteront des solutions et évoqueront les défis à relever.