Orateur(s)
Vincent Seutin Professeur (GIGA Neurosciences, Faculté de Médecine, ULiège)
Guillaume Drion Chargé de Cours (Laboratoire d’ingénierie neuromorphique, Institut Montéfiore, Faculté des Sciences Appliquées, ULiège)
Grégory Reichling Administrateur-Délégué et Co-Fondateur (Cilyx)

L'ingénierie neuromorphique et ses applications dans l'industrie

    Résumé

    L’ingénierie neuromorphique, nouvelle discipline qui combine les neurosciences, l’informatique et l'ingénierie, cherche à concevoir et à développer des systèmes informatiques capables d'effectuer des tâches telles que la perception, la cognition et la prise de décision d'une manière proche de celle du cerveau, tout en limitant l’impact énergétique.

    Cette discipline s’inspirant du fonctionnement du cerveau humain, capable d'apprendre, de s'adapter et d'effectuer des tâches complexes, cette rencontre a démarré par une présentation de Vincent Seutin, Professeur et spécialiste en neurosciences à la Faculté de Médecine de l’ULiège, qui nous a expliqué les principes complexes de transfert de l’information dans le système nerveux central (video).
    Retenons que :

    • Le potentiel d’action est le signal unitaire ;
    • Le message neuronal va pouvoir être «tuné» par le mode de décharge (+/-régulier vs burst) ;
    • Une unité computationnelle du cortex pourrait être un microdomaine fait, sans doute, d’un ou plusieurs «motifs» ;
    • Cette unité sera fortement modulée par les connexions «long range» au sein du cortex (p.e. «default mode network») et par les systèmes modulateurs diffus.

    Guillaume Drion, Chercheur au nouveau Laboratoire d’ingénierie neuromorphique de l’ULiège, nous a ensuite introduit le concept d’ingénierie neuromorphique, dont un des objectifs est de développer des systèmes intelligents et autonomes, à la croisée de l’intelligence humaine (IH) et artificielle (IA).
    L’IA basée sur les réseaux de neurones artificiels est en plein essor. Beaucoup de choses se développent mais il y a des lacunes qui doivent être comblées avec d’autres approches pour que l’IA puisse, notamment, plus interagir avec l’humain.

    Les systèmes d’IA sont souvent comparés avec l’intelligence humaine mais il y a des différences fondamentales.
    Pour expliquer ces différences, Guillaume Drion a retracé l’historique de l’avènement de l’IA. Les méthodes actuelles de réseaux de neurones artificiels se sont inspirées des neurosciences des années 40 et 50, puis ont été optimisées pour une mise en œuvre numérique au fil des années, s'éloignant ainsi de la biologie. Aujourd’hui, les réseaux de neurones sont des méthodes de pointe pour résoudre les problèmes de « l’IA » tels que le traitement d’images, la reconnaissance vocale, les jeux, etc.

    Il existe plusieurs différences majeures entre l’IA basée sur des réseaux de neurones artificiels et l’intelligence humaine :

    • Le côté énergétique, l’IH fonctionne sur un budget énergétique très faible, à l’inverse de l’IA ;
    • Les attaques adversiales : même quand ils performent, les systèmes actuels ne traitent pas l’information comme le font les humains. Si les conditions changent les performances peuvent passer de 100% à 0%. Une intelligence plus humaine pourrait donc être utile ;
    • Les capacités d’adaptation : les machines peuvent apprendre des comportements très spécialisés dans des environnements spécifiques, mais elles manquent souvent des propriétés adaptatives qui rendent le comportement humain si robuste et performant au quotidien. Aussi, l’IH extrapole rapidement à partir du contexte et des connaissances antérieures.

    Il existe donc un besoin de nouvelles méthodes pour construire des machines dotées de capacités d’adaptation semblables à celles des humains, ce qui constitue un appel à revenir à une IA qui s’inspire des neurosciences.
    C’est à ce besoin que répond l’ingénierie neuromorphique en permettant la création de circuits électroniques inspirés du cerveau pour une IA adaptative à faible consommation.
    Ses objectifs sont de développer des systèmes aux niveaux hardware et software qui imitent les fonctions du cerveau humain, permettant un calcul intelligent à faible consommation et des capacités cognitives améliorées dans les machines.
    En particulier, le calcul à faible consommation n’est possible que lorsque les algorithmes neuromorphiques fonctionnent sur du matériel neuromorphique spécialisé.

    Pour conclure son exposé, Guillaume Drion a expliqué que l’architecture de calcul doit être modifiée et se démarquer de l’architecture de Von Neumann. L’architecture de calcul neuromorphique doit se développer à tous les niveaux : la perception neuromorphique (ex : caméras event-based), l’intelligence neuromorphique (traitement des spikes selon des règles d’apprentissage artificielles et inspirées de la biologie, ex : online learning), l’actuation neuromorphique (ex : générer de la robotique basée sur les “central pattern generators”).

    Enfin, Grégory Reichling, Administrateur-Délégué et Co-Fondateur de Cilyx, entreprise spécialisée dans la conception et la réalisation de machines sur-mesure et de moyens de production, a partagé son expérience de l’intelligence artificielle en interne et a présenté quatre applications concrètes :

    • Une application de dépalettisation dans le cas de machines de manipulation de seringues et flacons ;
    • Une ligne de tri intelligent pour séparer des déchets métalliques revalorisables ;
    • Un assistant de laboratoire pour aider les opérateurs dans des tâches relativement simples et automatisables ;
    • Un système de détection de défauts et de contrôle qualité des anneaux de contraception.

     

    L’ingénierie neuromorphique s'inspire du fonctionnement du cerveau humain pour concevoir et développer des systèmes informatiques capables d'apprendre, de s'adapter et d'effectuer des tâches complexes avec, notamment, une grande efficacité énergétique.

    Cette nouvelle discipline est une réelle opportunité et offre plusieurs applications dans divers domaines, et notamment pour l'industrie : intelligence artificielle, robotique et systèmes autonomes (en interaction avec un environnement aléatoire), technologies de capteurs (comme ceux utilisés dans les véhicules autonomes par exemple), caméras

    Lors de cette rencontre-conférence, nous réunirons un spécialiste en neurosciences et un chercheur du nouveau laboratoire de neuroingénierie de l’Université de Liège, pour expliquer comment le biomimétisme peut permettre le développement de nouvelles technologies plus flexibles, économes en énergie et capables de réaliser des tâches complexes en s'adaptant à un environnement incertain. Plusieurs applications concrètes seront ensuite évoquées, et l’entreprise Cilyx nous partagera son expérience.

     

    © Image : Claude AI UK