Orateur(s)
Frédéric Naedenoen Chargé de Cours (HEC Liège, ULiège), Chercheur et Consultant Senior (LENTIC)
Laurence Theunis Co-Founder & Director (Benelux office of Adoc Talent Management)
Olivier Lejeune Head of Talent Acquisition (EVS Broadcast Equipment)
Lucie Granier People Development Leader (Unisensor)
Alexia Pironet HR Manager (Unisensor)
Vincent Theunissen Head of Human Resources (Trasis)

Explorer les défis et solutions pour attirer et retenir des profils à expertise de pointe

    Résumé

    Cette rencontre-conférence, axée sur la problématique de l’attractivité et de la rétention des profils à expertise de pointe a été conçue selon un format favorisant les échanges, les témoignages et le partage d’expériences de terrain.
    Pour ce faire, nous avons réuni un panel d’intervenants de 3 entreprises « témoins » : Olivier Lejeune, Head of Talent Acquisition chez EVS Broadcast Equipment (connue en tant que leader mondial des technologies de production vidéo en direct), Lucie Granier et Alexia Pironet, respectivement People Development Leader et HR Manager chez Unisensor (PME, biotech active dans le domaine de niche de la sécurité alimentaire), et Vincent Theunissen, Head of Human Resources chez Trasis (entreprise biomédicale en forte croissance).

    Pour démarrer la réflexion, une brève introduction de la problématique d’un point de vue de la recherche, a été faite par Laurence Theunis, co-fondatrice et Directrice Benelux de Adoc Talent Management, et Frédéric Naedenoen, Chargé de Cours à HEC Liège et Chercheur et Consultant Senior au LENTIC- ULiège, laboratoire spécialisé dans la recherche et les interventions de terrain auprès des entreprises confrontées aux transformations (digitales, NWOW…)

    Tout d’abord, les différentes conceptions du terme « profil à expertise de pointe » ont été mentionnées : au niveau macro-économique, organisationnel, managérial et scientifique. Le contexte européen a ensuite été posé, notamment grâce une étude montrant que 74% des PME faisaient face à une pénurie de profils qualifiés, pour un poste à pourvoir au moins.
    Les tendances sur les profils difficiles à recruter, les profils en demande croissante au niveau mondial, les compétences recherchées (hard, soft, digital & green skills) et les compétences attendues pour le futur (2030) ont été rapidement présentées.
    Laurence Theunis a également fait un focus sur le profil PhD, dont moins de la moitié reste au sein des universités, au bénéfice d’autres secteurs (entreprise avec ou sans R&D, secteur public, enseignement supérieur...).
    Aussi, elle a parlé du cadre européen des compétences pour les chercheurs, ResearchComp, un outil qui aide à évaluer et développer les compétences transférables des chercheurs et favoriser le développement de carrière.

    S’en est suivie une première discussion avec le panel d’intervenants sur l’attractivité des profils à haute expertise. En voici un condensé :

    • L’attractivité est le cumul de plusieurs éléments : le projet dans lequel la personne recrutée va s’inscrire, les perspectives, le fait d’avoir un impact, une plus-value. La finalité est clé pour les jeunes générations ainsi que la recherche de sens qui est beaucoup plus marquée. La culture d’entreprise est fondamentale aussi car cela va permettre aux talents de s’épanouir dans un écosystème.
    • Nous sommes dans un paradigme inversé : les entreprises doivent avoir une proposition motivante pour inciter à venir travailler dans l’entreprise. Il faut aller chercher les gens où ils sont. Pour ce faire, des partenariats win-win avec les Hautes écoles et les Universités sont mis en place, dans les filières où il y a une pénurie. 
    • L’innovation est le leitmotiv. Ces profils veulent des métiers avec un impact direct sur le développement de nouveaux produits. Ils souhaitent participer à l’innovation. Une petite structure permet un accès plus direct à la prise de décision, ils peuvent apporter leurs idées et leur pierre à l’édifice. La culture (tout le monde se connaît), la proximité de la R&D avec la production et la commercialisation sont un facteur positif. L’objectif et la mission de l’entreprise doivent faire sens.

    Et Frédéric Naedenoen de souligner qu’il existe deux types de motivations/attentes différentes. Les motivations intrinsèques ; en rapport avec le cœur de du métier, ce sont des éléments forts pour les travailleurs qui ont besoin que leur action individuelle nourrisse une action plus grande. Cela est plus facile pour les petites entreprises car il y a peu de distance avec la tête de l’organisation vs les grandes entreprises dans lesquelles ces profils ne savent pas clairement en quoi ils sont contributifs). Et les motivations extrinsèques ; liées aux conditions de travail, à l’« alimentaire », avec un souci de pouvoir continuer à développer ses compétences pour rester employable et précieux sur le marché du travail.

    Au passage, il a été précisé que la Belgique était est assez bien valorisée dans le monde la recherche et ce,  même si il existe des freins à l’attractivité (salaires, taxation élevée...).

    Selon Laurence Theunis, un élément clé est de travailler dès la création d’entreprise (y compris dans les petites entreprises ) sur les questions RH et de définir la culture d’entreprise que l’on souhaite développer. Une politique RH claire (aspect « maturité RH ») est très importante pour attirer les candidats.

    La question des compétences recherchées lorsqu’on engage un profil à haute expertise a également été soulevée. À cet égard, une remise en question des organisations est nécessaire. On ne sait pas toujours ce que l’on cherche concrètement, quel rôle exactement. Il faut prendre le temps de bien définir ce que l’on veut. Les problèmes d’alignement en interne et les visions différentes sont fréquentes d’où l’utilité de bien les challenger. Une bonne définition du besoin est une solution pour avoir moins de pénurie ! 

    Retenons quelques points des échanges à ce sujet :

    • Quand on cherche des compétences très spécifiques on a tendance à occulter les compétences soft. Attention au biais de se focaliser sur les hardskills ; 
    • Une réflexion sur le « qui » avant le « quoi » est intéressante. On regarde la personnalité en premier pour savoir où la personne peut apporter la plus grande plus-value. On construit le projet autour du profil et on accompagne au développement de compétences. Il faut veiller au matching entre les rôles nécessaires et les compétences ;
    • Une solution est de sortir des schémas classiques de recrutements : programme de cooptation via les collègues par exemple, chasse via les réseaux sociaux comme LinkedIn ou les foires sectorielles spécialisées pour les profils purement spécifiques/techniques ;
    • En cas de profil « introuvable », on peut envisager de recruter un profil ayant les compétences juste en dessous de celles recherchées et investir dans la formation. D’autres solutions sont les partenariats avec d’autres entreprises ou le recours à la consultance, qui peut faire de la transmission éventuelle via le coaching en interne.

    Et de souligner, ici, l’intérêt de la formation continue. Un travail est fait en ce sens à l’ULiège pour identifier les compétences manquantes afin de voir ce qu’il faut développer pour répondre aux besoins actuels du terrain. Il y a aussi un projet de micro-certification pour les formation tout au long de la vie (en cours).

    La problématique de la rétention des talents a enfin été abordée, avec plus spécifiquement les difficultés d’intégration de profils venant de l’étranger ; barrière de la langue, différence culturelle, isolement social... sont autant de facteurs à prendre en compte. 

    Parmi les choses qui ont été partagées pour palier à ces difficultés, on peut citer :

    • L’accompagnement pour leur intégration via les collègues, un coaching, une formation ;
    • L’accompagnement des familles ;
    • L’aide pour la recherche d’un logement et les démarches administratives (des sociétés spécialisées peuvent prendre en charge ces aspects) ;
    • Proposer un espace pour pouvoir échanger sur les difficultés rencontrées au quotidien ;
    • Communiquer beaucoup, échanger, attribuer un parrain (« buddy ») qui a en charge de gérer les aspects d’intégration émotionnelle ;
    • Engager des profils qui ont déjà une capacité de mouvement ;
    • Et pourquoi pas envisager de créer un groupe des expats du LSP.

    Frédéric Naedenoen a donné, de façon plus générale, les 5C de la stratégie de rétention 

    • La compensation (le salaire)
    • La culture (de l’entreprise)
    • La carrière (besoin d’évolution, de sens)
    • La connexion (créer des liens)
    • Le care (prendre soin des gens)

    La flexibilité sur les tâches et au niveau des aménagements horaires est aussi un facteur qui peut s’avérer important mais elle doit rester dans un cadre bien établi par souci d’équité avec le reste des employés.

    Il est important aussi de préciser qu’aujourd’hui nous allons vers une valorisation des carrières mixtes et des expériences dans divers secteurs, académiques et industriels.

    Cette conférence interactive s’est clôturée par un moment d’échange et de partage de bonnes pratiques avec les participants.

    Parmi les pistes de solutions innovantes qui ont été citées, dans le public, retenons :

    • La Charte Européenne du Chercheur dont les principes régissent la stratégie de gestion RH de l’ULiège, avec pour ambition d’améliorer en permanence la qualité de l’environnement de travail des chercheurs ;
    • La plateforme européenne EURAXESS visant à soutenir la mobilité internationale et intersectorielle des chercheurs ainsi que leur développement de carrière par le biais de services personnalisés ;
    • La démarche collective, en collaboration avec le GRE, des entreprises du secteur IT / Digital en Province de Liège pour stimuler le recrutement en démystifiant les métiers en manque de main d’œuvre pour les rendre plus accessibles (valorisation des aptitudes personnelles, besoin en compétences autres que techniques ou technologiques, formation...).

    En conclusion, attractivité et rétention sont intimement liées.
    Outre la nécessité de donner du sens au travail, de soigner la culture d’entreprise et de faciliter la vie des talents venant de l’étranger, les entreprises doivent effectuer des démarches plus intenses pour que leur politique RH soit juste et adéquate pour attirer et garder les profils à expertise de pointe. Elle doivent aussi mieux se préparer pour anticiper et gérer la rotation de l’emploi. Conserver les compétences, même si les personnes s’en vont…

    Les profils hautement qualifiés jouent un rôle clé dans le développement des entreprises innovantes, tous secteurs confondus. Pourtant, attirer et fidéliser ces profils rares et convoités demeure un défi majeur pour les employeurs. Ces experts, véritables moteurs d’innovation, mettent souvent à l’épreuve les stratégies RH, notamment lorsqu’il s’agit de garantir une intégration réussie (en particulier pour les talents internationaux) tout en préservant l’équité au sein des équipes.

    Dans un marché du travail compétitif, où le progrès repose sur des connaissances pointues, les entreprises doivent créer des conditions propices pour offrir des carrières attractives, équitables et durables. Mais comment y parvenir ?

    C’est cette question cruciale que nous aborderons ensemble lors d’un événement interactif conçu pour favoriser les échanges, les témoignages et le partage d’expériences. L’objectif ? Identifier des pistes de solutions innovantes et, pourquoi pas, collectives.