Orateur(s)
Pierre Duysinx Professeur Ordinaire (Ingénierie des Véhicules, ULiège)
Dimitra Papadimitriou Assistante (Faculté des Sciences Appliquées, Ingénierie des Véhicules, ULiège)
Arnaud Sneessens H2 Mobility Technical Project Manager (John Cockerill Hydrogen)
Patrick Hendrick Professeur, Directeur du Département ATM, Aéro Thermo Mécanique (ULB)
Nicolas Paris Managing Director (Edi)
Bertrand Mathieu Directeur (Autoform)

Hydrogène : promesses et défis dans l'industrie automobile

En collaboration avec les partenaires du Projet Pôle Automobile Européen
    Résumé

    Mercredi s’est tenu le 3ème rendez-vous d’un cycle que nous avons consacré, cette saison, à la mobilité de demain, en collaboration avec le projet PAE (Pôle Automobile Européen).

    Les acteurs réunis dans le cadre de ce projet transfrontalier ont rédigé un livre blanc « FUTURE MOVE », coordonnée, à l’Université de Liège, par le Professeur Pierre Duysinx et Dimitra Papadimitriou (Ingénierie des Véhicules, Faculté des Sciences appliquées). Le résultat dresse une vue stratégique sur l’avenir de l’automobile ; un secteur à la croisée de divers enjeux et confronté à des transformations radicales, dues à différents facteurs (technologiques, environnementaux, sociétaux…).

    Après nous être concentrés sur les voitures autonomes et sur les impacts de la numérisation de l’industrie automobile, nous nous sommes intéressés au développement des véhicules à hydrogène.

    L’hydrogène, on le sait, est une des réponses pour la décarbonisation des transports. Mais, comme toute innovation, si l’hydrogène se présente comme une solution, il soulève aussi des questions ; ses voies de production, notamment, sont énergivores.

    Le panel d’intervenants réunis pour débattre du sujet aura mis en évidence les avantages de la technologie et ses principaux défis (entre autres si on l’oppose à la solution électrique).

    Pierre Duysinx a d’abord présenté les grandes lignes du livre blanc « FUTURE MOVE » en partageant une des observations des co-auteurs du livre blanc : les crises sont des forces de changement. La récente crise covid et la crise ukrainienne actuelle ont ainsi fortement accéléré les mutations dans le secteur automobile.

    Il souligne, notamment, la pirouette opérée, par l’industrie automobile, pendant le covid, pour se reconvertir vers l’électrification. Autre phénomène de masse très palpable : le recours massif à la mobilité douce (vélos électriques, trottinettes…). Le tout, dans un contexte où la digitalisation est galopante avec un nombre phénoménal de données générées, et l’avènement des voitures autonomes.

    Au sujet de l’hydrogène, le Professeur Duysinx a rappelé que ce « monstre du Loch Ness », avait 100 fois disparu et réapparu au cœur de ses travaux depuis le début de sa carrière. Il a parcouru différentes expériences menées avec son laboratoire dans le cadre de divers challenges, tel que le Shell-eco Marathon, et a clôturé son intervention en affirmant que l’on ne pouvait désormais plus ignorer qu’une partie du parc allait basculer vers l’hydrogène, dans un futur proche.

    Arnaud Sneessens (H2 Mobility - Technical Project Manager, John Cockerill) a ensuite présenté le positionnement fort de John Cockerill en matière de transition énergétique et plus spécifiquement dans la production d’hydrogène par électrolyse. En tant que responsable technique du département « mobilité » créé au sein du secteur renewable, il a expliqué qu’avec les développements de ce département, le groupe pouvait désormais être présent sur toute la chaîne de valeur de l’hydrogène (depuis sa production jusqu’à sa distribution).

    Au cours de sa présentation, il a détaillé ce qui compose une station à hydrogène, rappelant l’importance des fonctions de compression, de stockage et de refroidissement. Il a également pointé l’importance de la sécurité et de la vitesse de « remplissage » de celles-ci. Relevant que le réseau des stations est encore aujourd’hui très peu développé, il a souligné que le nombre de stations allait devoir passer de 200 à 1600 installations en Europe d’ici 2030. Ainsi, la structure de distribution est amenée à sérieusement se structurer dans les 10 prochaines années. Il a ensuite évoqué quelques exemples de véhicules à hydrogène présents sur le marché

    Il présenté les avantages de l’hydrogène dans la mobilité (stockage, autonomie, recharge rapide, coûts d’infrastructure moindres), tout en admettant que son efficacité, si l’on tient compte de toute la chaîne de valeur, est plus faible par rapport à la voiture électrique. Il n’y a cependant, à ses yeux, pas de réelle concurrence entre ces 2 solutions qui ont chacune leur propre marché.

    Il a terminé son exposé par 2 projets développés par John Cockerill : le projet Liège Airport, qui consiste en une unité de production et de recharge, et Serenhyty, une station pilote interne destinée à tester ces nouvelles technologies (équipements, modes de remplissage nouveaux…).

    La transition avec la présentation de Patrick Hendrick s’est faite naturellement, tant les points de vue convergeaient.

    Professeur à l’ULB et Directeur du Département Aéro Thermo Mécanique, Patrick Hendrick a d’abord présenté les consortiums académiques qui se sont formés au niveau international pour adresser la problématique de l’hydrogène, dont le BERA, créé à l’initiative de Nathalie Job.

    Il a ensuite expliqué qu’il s’intéressait principalement aujourd’hui aux véhicules lourds (bus, trains, camions) ; les voitures classiques étant moins destinées à passer à l’hydrogène (sauf peut-être les taxis, pour la rapidité de recharge notamment).

    Selon le Professeur Hendrick, la grande vitrine de l’hydrogène, au niveau de la mobilité, est le bus. Et bientôt, alors que toutes les grandes villes européennes auront des normes relatives aux émissions de CO2, les bus devront massivement entamer le virage vers des solutions basse émission. Même si un faible nombre de bus roule déjà à l’hydrogène, leur image est très forte et positive.

    Il a rappelé au passage qu’il s’agissait bien de développer de l’hydrogène vert et extrêmement pur.

    Après avoir évoqué, lui aussi, les avantages et inconvénients respectifs de l’électrique ou de l’hydrogène pour les bus, il a conclu que la tendance à la baisse du prix actuellement plus élevé de l’hydrogène, levait progressivement un frein.

    Pour illustrer d’autres segments de marchés qui se prêtent particulièrement bien au passage à l’hydrogène, il a notamment illustré son propos avec les bennes de collecte d’ordures (l’hydrogène offre alors un confort sonore incomparable). Mais les utilitaires et les taxis sont d’autres types de véhicules tout aussi appropriés pour l’hydrogène.

    En fin d’intervention, il a néanmoins pointé que le transport, qui est pourtant une grande vitrine de l’hydrogène, reste un secteur bien minoritaire par rapport à l’industrie qui nécessite des quantités d’hydrogène bien plus phénoménales (notamment l’industrie chimique).

    Et d’évoquer la nécessité d’un soutien politique fort.

    Nicolas Paris (Managing Director, EDI - Electric by D'Ieteren) a, quant à lui, pris le contre-pied de la position des autres membres du panel, exprimant une tension existante entre l’électrique et l’hydrogène. Cette dernière solution ne serait-elle pas le fuel vert qui permettrait de ne pas remettre en question nos usages ?

    Il rappelle que le véhicule à hydrogène n’est en soi qu’un véhicule à moteur électrique qui stocke l’électricité sous la forme d’hydrogène. Il comporte, selon lui, un problème inhérent de rendement, étant 2 fois inférieur au véhicule électrique. Au niveau mondial, on constate d’ailleurs un engouement croissant pour la voiture électrique (chiffres à l’appui) tandis que l’hydrogène ne décollerait pas.

    Bertrand Mathieu (Directeur général d’AutoFORM) a refermé les prises de parole du panel en présentant l’investissement du Centre de compétence des métiers de l'automobile pour répondre aujourd’hui aux défis des véhicules de demain. Fin 2021, AutoFORM inaugurait le premier atelier hydrogène pour former les mécaniciens automobiles aux véhicules à hydrogène.

    Il s'agit des deux premiers centres de formation où des techniciens peuvent être formés en toute sécurité à la réparation des véhicules à hydrogène. Avec l'expérience acquise lors de la construction de ces ateliers, le Centre pourra aider les entreprises du secteur automobile à s'organiser autour de l'hydrogène, tant en termes d'infrastructures que de cadre juridique. Réconciliant les pro « électrique » et les pro « hydrogène », en quelque sorte, AutoFORM mise sur un avenir où les véhicules électriques et à hydrogène coexistent afin d'atteindre les objectifs climatiques du secteur de la mobilité.


    Le livre blanc « Future move » est désormais disponible ici.

    Retrouvez les autres conférences du cycle :

    Retrouvez ci-dessous les slides de la présentation :

    Hydrogène : promesses et défis dans l'industrie automobile | LIEGE CREATIVE, 01.06.2022 from LIEGE CREATIVE

    Comme de nombreux secteurs, l’industrie automobile est confrontée à une transformation radicale sous l’action de la pression des défis que la société doit relever pour la prochaine décennie.

    C’est dans ce contexte de changements, que l’Université de Liège a réalisé le livre blanc « FUTURE MOVE » au sein du projet Pôle Automobile Européen (PAE).

    Outre la crise sanitaire, l’électrification, l’essor de la mobilité douce, l’automatisation de la conduite et la digitalisation, la décarbonisation du secteur automobile s’impose comme une des lignes de force à l’horizon 2030-2035. Ces transformations posent de nombreux défis techniques, juridiques ou sociologiques pour lesquels des solutions restent à trouver.

    En particulier, le livre blanc a identifié le développement des véhicules à hydrogène comme un des axes importants de la relance et de la décarbonisation des transports dans la Grande Région. Les constructeurs voient dans l’hydrogène un axe prometteur pour les véhicules lourds et les véhicules utilitaires. L’émergence de cette nouvelle motorisation va de paire avec la mise sur pied de la filière de production d’hydrogène vert et avec l’installation d’un réseau de distribution.

    Comment cette technologie sera-t-elle intégrée par l’industrie automobile européenne ? Quelles sont les opportunités pour les PME et la recherche universitaire ? Quels seront les nouveaux acteurs de demain dans cette nouvelle filière ? Comment relever le challenge de la formation du personnel ?

    Cette rencontre-conférence réunira un panel d’intervenants aux compétences variées pour mettre en lumière les promesses et les défis de l’hydrogène dans l’automobile de demain et partager les premières expériences en Europe et dans la Grande Région.

    Programme
    17h30 : Accueil
    18h00 : Début de la rencontre-conférence
    19h30 : Séance de questions-réponses
    20h00 : Cocktail dinatoire

    Les partenaires du projet Pôle Automobile Européen :