Orateur(s)
Jean-Philippe Ponthot Professeur (Aérospatiale et Mécanique, ULiège)
Tanguy Mertens Product Manager Structure Solutions (Siemens Industry Software)

L’analyse de structures par éléments finis : applications, innovations et défis

    Résumé

    Le séminaire a illustré diverses applications dans lesquelles sont développés les éléments finis.
    L’ensemble des acteurs présents et des applications évoquées est axé sur le secteur de la mécanique des milieux continus solides.

    Lors de la première présentation, Tanguy Mertens (Siemens) a centré son exposé sur les applications de Simcenter en analyse des structures des moteurs d’avion et des turbines à gaz.

    Les outils de simulation proposés permettent de supporter la conception et l’optimisation des structures des turbomachines, à l’aide de la méthode des Éléments Finis.

    Ils permettent de créer efficacement par des coupes, des projections ou des modifications des idéalisations correctes 2D représentant la complexité de la turbomachine, ses différentes missions, de gérer les interactions collaboratives avec les domaines voisins de la mécanique des fluides et de la thermique en vue de produire des résultats interprétables.

    Un des buts est la création d’une vue d’ensemble du moteur afin de prédire les pertes dans les jeux. De nombreuses conditions limites (vitesse, pression, température…) sont à prendre en compte. Les liaisons (boulonnées, collées, contact/frottement…) doivent également être modélisées, tout en gardant un temps de calcul raisonnable sur les ordinateurs actuels. Le recours au calcul parallèle est désormais très fréquent.

    Si nécessaire, les modélisations/maillages 2D de certaines parties du moteur peuvent être connectées à des modélisations/maillages 3D plus précises d’autres composants. On peut donc combiner des modèles 2D en état plan de contraintes avec des modèles axisymétriques, des modèles purement 3D ou des modèles à symétrie cyclique.

    Outre l’aspect « fuite » en thermo-mécanique, un autre but est d’obtenir les modes de vibration du moteur ce qui nécessite l’assemblage de nombreux sous-modèles dans un modèle prédisant le comportement dynamique du moteur complet.

    Au niveau local, à l’intérieur des éléments, on utilise des modèles de matériaux avancés, représentant notamment les phénomènes de plasticité lorsque l’on dépasse la limite élastique du matériau, ou les phénomènes de fluage lorsque l’on simule le comportement en fatigue du moteur sur de très longues durées.

    La plateforme Simcenter est également intéressante pour sa capacité à intégrer de nombreux solvers de différents domaines (fluide, structure et thermique principalement), afin de permettre la réalisation aisée d’enchaînements de calculs « multi-physiques ».

    Une application particulière des Éléments Finis concerne la procédure de « Mise à froid » des aubes. En effet, la forme de celles-ci est conçue sur base de considérations aérodynamiques. Il s’agit de la forme en fonctionnement, c’est-à-dire déformée sous l’action de la pression, la température et les effets centrifuges et gyroscopiques liés à la vitesse. La « Mise à froid » des aubes est une procédure de calcul inverse qui cherche la forme à froid, c’est-à-dire celle qui va devoir être fabriquée, à partir de la forme à chaud et des chargements que l’aube subit en fonctionnement. Comme dans tout le secteur aéronautique, l’on recherche évidemment à trouver la conception d’aubes la plus légère possible.

    Lors du deuxième exposé, Jean-Philippe Ponthot a d’abord présenté l’historique de son service en recherche et développement de logiciels de simulation numérique par Éléments Finis (METAFOR), en particulier en mécanique des solides et en interaction fluide-structure.

    Il a réexpliqué les bases historiques du logiciel METAFOR dans le domaine de la simulation de la mise à forme et du profilage de structures métalliques, notamment en collaboration avec la société ArcelorMittal.

    Après cela, il a développé les recherches menées dans le domaine des moteurs d’avions, à travers divers secteurs applicatifs, tels que la perte d’aube, par exemple, suite à un impact d’oiseaux ou, plus récemment, l’interaction aube-carter qui peut apparaître du fait que l’on cherche à minimiser les jeux entre rotor et stator afin d’augmenter l’efficacité du moteur, réduire sa consommation de carburant et de ce fait gagner des milliers de tonnes de CO2. Cette réduction des jeux peut conduire à des contacts-frottements entre l’aube et le matériau abradable prévu à cet effet. La fissuration des aubes est également un sujet adressé par ces outils de simulation numérique par Éléments Finis.

    De nombreux dispositifs expérimentaux sont utilisés en parallèle aux simulations afin de les valider. C’est notamment le cas dans le domaine de la modélisation de l’usure des carters en cas de contacts répétés avec les aubes. Des cartes d’usure ont pu être obtenues également par calcul.

    Dans le domaine de la fabrication additive, le service du Professeur Ponthot mène également des recherches avancées visant à prédire, à l’aide de modèles Éléments Finis extrêmement non-linéaires, les phénomènes multi-physiques qui se produisent au passage du laser, incluant la thermique, la micromécanique et la modélisation des fusions-solidifications.

    Le dernier chapitre du séminaire portait sur la méthode PFEM (Particle Finite Element Method) qui ouvre depuis peu des perspectives d’avenir dans de nombreux problèmes où la Méthode des Éléments Finis classique ne convient plus du fait qu’elle ne permet pas aisément de changer la composition entre les nœuds.

    Cette méthode est basée sur un champ de particules auxquelles sont associés des maillages évolutifs. À l’échelle des Éléments Finis qui ont plus de 50 ans, la méthode est récente (20 ans quand même). Elle a été inventée à l’Université de Barcelone. Il existe seulement 5 ou 6 équipes dans le monde qui travaillent sur cette méthode. Elle a pourtant un énorme potentiel que l’on ne mesure pas encore complètement. Elle a notamment été développée dans la thèse de Marco pour des problèmes de rupture de barrages. D’autres exemples très visuels ont été montrés dans le domaine de l’interaction fluide-structure, y compris dans des cas où la structure est hautement déformable à l’aide de dialogue entre codes.

    En termes de perspectives, la méthode pourrait par exemple être intéressante pour modéliser la problématique des « trous de serrure » en fabrication additive qui arrive lorsque le matériau fluidifié par la température se solidifie en se refermant sur lui-même et en emprisonnant du gaz qui est à l’origine de porosités dans la pièce finie, favorisant de ce fait l’initiation de fissures et de problèmes de fatigue structurale.

    Retrouvez ci-dessous les slides de la présentation :

    L’analyse de structures par éléments finis : applications, innovations et défis from LIEGE CREATIVE

    L’analyse de structures par la méthode des éléments finis (MEF) a démarré durant les années 60, en particulier au Laboratoire des Techniques Aéronautiques et Spatiales de l’Université de Liège.

    Durant 5 décennies, elle s’est imposée comme la méthode la plus universelle pour le dimensionnement de composants structuraux de machines à l’aide de la simulation numérique sur ordinateur.

    Dès les années 90, l’Université de Liège a été et est toujours l’un des précurseurs au niveau mondial dans l’implémentation logicielle de cette méthode qui s’applique à de nombreux domaines.

    Bien que le secteur aérospatial ait été le moteur de ce développement à Liège, Siemens commercialise également ces techniques de simulation numérique dans tous les autres secteurs de la mécanique, notamment l’automobile, le génie mécanique au sens large, l’énergie, l’industrie lourde et l’électronique.

    Cette rencontre sera l’occasion d’évoquer ces différents champs d’application ainsi que les défis actuels. Le focus sera également fait sur les recherches en cours, et notamment sur les nouvelles possibilités de simulations apportées par de récentes évolutions de la MEF, dont la méthode PFEM qui permet de réaliser des simulations impensables il y a encore une dizaine d’années.