Orateur(s)
François Pichault Professeur et Directeur (HEC ULiège et LENTIC - ULiège)
Anne Goffin Responsable RH (ULiège)
Karen Valdiviezo Gestionnaire de projets RH (ULiège)
Joseph Geuzaine Directeur des Ressources Humaines (Safran Aero Boosters)
Julien Balistreri Chief People & Organization Officer (Ethias)

Le covid, un accélérateur des nouveaux modes de travail ?

    Résumé

    Nous avons débuté cette rencontre-conférence sur les nouveaux modes de travail par trois retours d'expérience complémentaires : ceux de Julien Balistreri (Ethias), de Joseph Geuzaine (Safran Aero Boosters), d’Anne Goffin et de Karen Valdiviezo (ULiège).

    Selon Julien Balistreri, si les problèmes du quotidien peuvent être résolus à distance, les projets collaboratifs nécessitent un retour sur site, afin de reformer une dynamique d’équipe. Ainsi, la gestion de la crise des inondations de juillet 2021 a aidé à ramener les collaborateurs au bureau. La politique de télétravail d’Ethias s’articule autour de 5 règles. D’abord, le télétravail n’est ni un droit ni une obligation. Ensuite, on peut télétravailler maximum 50% du mois et 3 jours par semaine, ceci avec une journée où toute l’équipe est présente sur site. La dernière règle, indispensable au bon fonctionnement de l’ensemble, est de faire preuve de bon sens et de pragmatisme. Aussi, au vu du télétravail qui s’est installé structurellement, Ethias souhaite mettre en place, dans ses futurs locaux, le principe du « desk sharing ».

    Joseph Geuzaine nous a ensuite partagé l’expérience de Safran Aero Boosters qui a dû arrêter son recrutement et mettre au chômage une grande partie de ses travailleurs pendant la crise sanitaire, qui s’est inévitablement, pour ce secteur, accompagnée d’une crise économique. Il souligne les facultés d’adaptation et la débrouillardise dont l’entreprise et ses travailleurs ont fait preuve, notamment le service informatique. Une politique de télétravail a en effet été construite au départ d’une page blanche dans l’entreprise où le télétravail n’était, jusque-là, pas du tout dans les mœurs. Des outils de communication ont été créés et des solutions trouvées pour assurer que tout le monde reste connecté. Avec le recul, Joseph Geuzaine souligne que la façon de conduire les équipes s’est améliorée en tendant vers l’autonomisation... tout ça de façon enthousiaste. Une enquête de satisfaction du personnel, dans la deuxième partie du confinement, s’est d’ailleurs avérée plutôt rassurante. Il a soulevé néanmoins l’apparition, début 2021, de certains signes d’épuisement et le souhait de certains collaborateurs de revenir sur site (problématique de l’isolement, difficulté de connexion et de communication, complexité du mode hybride). Enfin, il a insisté sur l’importance de former les managers au pilotage d’équipes en télétravail. Chez Safran Aero Boosters, le travail sur site est aujourd’hui redevenu la norme.

    À l’ULiège, Anne Goffin a commencé par partager une série d’observations faites pendant la période de télétravail forcé : gestion difficile des imprévus et des priorités, sentiment d’isolement, perte de sens, de cohésion et besoin de reconnaissance chez les employés. Le management a aussi évolué et c’est l’occasion de tendre vers un nouvel équilibre. Karen Valdiviezo nous a ensuite présenté ce qui avait été mis place au sein de l’Université pour accompagner le retour sur site : formations, groupes de travail, intranet dédié au travail à distance, structures d’aides, etc. L’essentiel aujourd’hui est de réévaluer le système et de bien communiquer.

    François Pichault, Professeur à HEC ULiège et Directeur du LENTIC - ULiège, a ensuite rebondi sur ces témoignages, reflets de ce que vivent les entreprises aujourd’hui.

    Pour lui, l’adaptation à ces nouveaux modes de travail relève d’un processus d’apprentissage.

    Bien qu’il ait souligné le fait qu’il n’y a pas qu’une seule voie ; chaque entreprise/institution a ses contraintes et construit une « nouvelle normalité » qui lui est propre, il a cependant évoqué cinq constantes/tendances que l’on observe actuellement :

    1. La découverte du télétravail est plutôt positive du côté des collaborateurs (on ne veut pas revenir à la situation antérieure au Covid). Le télétravail forcé a cependant mis en évidence des clivages inédits : les jeunes, par exemple, étaient plus demandeurs de revenir sur site. Du côté des managers, cela suscite un effet d’apprentissage et un changement des représentations également : le télétravail n’implique pas une dégradation de la performance de l’entreprise. Au contraire, certaines situations ont démontré que le télétravail peut contribuer à augmenter celle-ci ! Notons qu’aujourd’hui, seulement 58% des personnes interrogées sont prêtes pour l’hybride, le « New Normal ». L’apprentissage n’a donc pas eu lieu pour tout le monde…
    2. Il y a un réel questionnement sur les bonnes raisons de revenir sur site. Cela s’avère très intéressant car ça nous oblige à nous demander pourquoi on vient au travail et à revoir ce que l’on fait sur site pour que cela ait du sens. Certes les contacts informels sont importants mais on découvre aussi une série d’activités qui se font mieux en présentiel (stratégie, R&D, créativité, formations, réunions de recadrage...).
    3. On passe actuellement d’un mode de travail conjoncturel à un mode de travail structurel : attention de ne pas trop cadenasser les accords d’entreprises. La réponse pertinente se trouve au plus près des activités, l’idéal étant de définir des balises et de négocier en plus. Le risque de clivages quand on réfléchit par fonctions est grand. C’est l’activité qui doit être à la base du raisonnement.
    4. De nouvelles formes de dualité sont apparues : rappelons-nous que certains n’ont jamais eu la possibilité de télétravailler ! L’important est de continuer à garder le collectif, par l’intermédiaire du management qui veille à la cohésion. Il y a des actes à faire absolument en présentiel (comme la formation, par exemple) et il est indispensable de travailler le sens, la reconnaissance... et pas seulement la performance.
    5. Les équipes RH ont un rôle important à jouer dans le renforcement des compétences managériales et l’accompagnement des nouvelles compétences naissantes ; adaptabilité, exemplarité...

    Les exposés ont été suivis d’un moment riche en échanges. Selon une méthodologie participative, chaque participant a pu témoigner de ses expériences ou partager ses interrogations. On peut citer les points d’attention suivants :

    • l’importance de la cohésion et du lien social ;
    • les contraintes sont les mêmes pour tous mais les réponses sont différentes ;
    • organiser le contrôle vs piloter la confiance ;
    • apporter du sens aux journées sur site où l’équipe travaille ensemble ;
    • le besoin de sens et de reconnaissance ;
    • le réaménagement des espaces ;
    • l’indispensable accompagnement des managers ;
    • la limite entre vie privée et vie professionnelle.

    Si le concept des NWoW (New Ways of Working) n’est pas nouveau, la crise du Covid-19 a accéléré l’adaptation à ces nouveaux modes de travail. Aujourd’hui, la majorité des entreprises ont pu expérimenter le télétravail, avec ses avantages et ses inconvénients, et un retour à la situation antérieure à la pandémie n’est plus envisageable. La crise a également mis en lumière l’importance des contacts sociaux.
    Aujourd’hui, les « NWoW » sont devenus le « New Normal ».

    Alors que la page du télétravail forcé se tourne, cette « nouvelle normalité » reste à inventer, comme le souligne le Professeur François Pichault (HEC-ULiège). En effet, la période post-covid suscite de nombreuses réflexions. A quoi ressemblera ce monde hybride combinant présentiel et distanciel ? Quels sont les défis et enjeux managériaux qui se posent dès à présent ?

    Lors de cette rencontre-conférence, François Pichault nous introduira au « New Normal » avant que nous ne bénéficions des retours d'expérience de plusieurs organisations - Julien Balistreri (Ethias), Joseph Geuzaine (Safran Aero Boosters), Anne Goffin et Karen Valdiviezo (ULiège).

    Enfin, selon une méthodologie participative, chaque participant pourra, s’il le souhaite, témoigner ou partager ses interrogations face à cette situation organisationnelle inédite qui touche tous les acteurs, tous secteurs confondus.

    Ensemble nous tirerons des enseignements positifs de la période particulière que nous traversons afin de dégager les contours du monde du travail de demain.


    Suivant les mesures actuellement en vigueur, le Covid Safe Ticket sera requis pour participer à toute rencontre-conférence LIEGE CREATIVE.
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