Orateur(s)
Sophie Trachte Chargée de Cours (Faculté d'Architecture, URA, ULiège)
Thomas Baguette Glass Mineral Wool Recycling Business Development Manager (Knauf Insulation)

Le recyclage des déchets du bâtiment et ses défis à l’exemple de la laine minérale

    Résumé

    Thomas Baguette, Glass Mineral Wool Recycling Business Development Manager chez Knauf Insulation, producteur de référence de solutions d’isolation, a démarré la rencontre par la présentation du projet pilote de recyclage de la laine minérale, Resulation.
    L’économie circulaire fait partie intégrante de la stratégie de durabilité de Knauf Insulation, « For a better world ». Cette stratégie à court terme, 2025, repose sur 4 piliers : mettre les employés au centre, réduire l’empreinte carbone, travailler en économie circulaire, innover dans les produits isolants.

    Les déchets de la déconstruction, aujourd’hui, représentent 35% des déchets mondiaux. Il est donc essentiel que chacun prenne ses responsabilités à tous les niveaux de la chaîne (tri, collection) pour diminuer, à terme, la quantité mise en décharge.
    Dans ce contexte, Resulation s’est donné pour mission de récupérer, recycler et réorienter la laine minérale en tant que matière première réutilisable à l'infini.

    Thomas Baguette a expliqué le processus de production de la laine de verre pour l’isolation, avant d’aborder les grandes lignes du fonctionnement du projet visant à limiter le gaspillage d’une ressource et à « boucler la boucle » :

    • Récupérer : le tri des déchets sur les chantiers de (dé)construction évite les mises en décharge
    • Recycler : la laine minérale de verre est recyclée à Visé
    • Réutiliser : fournir des produits éco-conçus sur lesquels on peut bâtir

    Le plus grand défi est de développer une nouvelle chaine de valeur avec un focus sur la laine de verre. En effet, la laine de verre est un produit assez compliqué que l’entreprise est incapable de recycler seule. Pour ce faire, elle a besoin de partenaires, notamment pour le tri, la collecte, le compactage et le transport .
    L’objectif est d’atteindre, au terme de la chaine de valeur, 100% de matière recyclée et réintroduite dans la production.

    Quand on parle de déchets, on parle aussi de critères d’acceptation, pour tous types de laine de verre venant de différents producteurs, l’usine étant conçue pour récupérer toutes les laines du marché et pas uniquement celle de Knauf Insulation. On exclut, entre autre, les déchets ou mélanges dangereux et inertes, une laine de verre dépassant un taux d’humidité de 10% et on privilégie le conditionnement en balles compactées.

    Thomas Baguette a conclu son exposé en abordant les défis rencontrés :

    • La sensibilisation au recyclage ;
    • La connaissance des matériaux d’isolation et leur séparation lors de la déconstruction ;
    • L’établissement de la chaine de valeur ;
    • L’énergie nécessaire pour le recyclage par fusion ;
    • La non obligation réglementaire de tri et de recyclage ;
    • Le coût de mise en décharge trop bas ;
    • L’absence d’un système de financement pour le recyclage des déchets de (dé)construction.

    Sophie Trachte, chargée de cours au sein de la Faculté d'Architecture, ULiège, a ensuite replacé cet exemple dans le contexte plus large du recyclage des matériaux dans le secteur de la construction.

    Il existe de nombreuses définitions de l’économie circulaire. Dans le secteur de la construction on privilégie la définition du Centre Scientifique et Technique de la Construction (CSTC) selon laquelle l’économie circulaire est un modèle économique global dans lequel les ressources sont conservées en usage aussi longtemps que possible, dont on extrait le maximum de valeur pendant leur utilisation et dont on récupère et réemploie les produits et les matériaux à la fin de chaque cycle de vie en service.

    L’économie circulaire est un enjeu majeur pour le secteur de la construction parce qu’il représente un secteur-clé pour impulser un changement de paradigme, constituant, à lui seul, environ 35% - 40% de la production de déchets, comme nous l’a déjà souligné Thomas Baguette.
    Selon Sophie Trachte, notre conception architecturale, tout comme notre économie, est encore trop linéaire et engendre un gaspillage important des ressources investies. Nous répondons à des besoins temporaires (temps court) avec des solutions matérielles et techniques qui ont une durée de vie importante (temps long).

    Pour pouvoir mettre en place cette économie circulaire dans le secteur de la construction, on propose de travailler sur 3 grands piliers :

    • Concevoir et construire en pensant fin de cycle ;
    • Penser / utiliser de nouveaux business models pour créer de la valeur ajoutée locale et conjointe ;
    • Considérer les bâtiments existants comme sources de matériaux.

    Cette économie circulaire s’appuie sur une directive-cadre européenne qui propose une hiérarchie d’actions en termes de prévention et de valorisation des déchets. Face à un déchet on a 3 possibilités : le réemploi, le recyclage, la valorisation.

    Le recyclage doit être vu comme une pratique complémentaire au réemploi. Il faut donc exploiter ces deux pratiques en favorisant en priorité et dès que possible le réemploi qui consiste à conserver et maintenir autant que possible la valeur économique des produits. Lorsque le produit ne peut plus être réemployé, il s’agira de conserver et maintenir autant que possible la valeur économique des matières utilisées.

    Quand on parle de recyclage, il est aussi important de faire la distinction entre upcycling (déchet réinjecté dans le même cycle de production dont il est initialement issu, voir le cycle de production d ’un produit à plus haute valeur ajoutée) et downcycling (déchet réinjecté dans le cycle de production d ’un produit à moindre valeur ajoutée).

    Sophie Trachte a donné quelques exemples de projets de upcycling, type de recyclage à privilégier. Les chutes et déchets de démolition de laine de verre, réinjectés dans les fours de fabrication de produits en laine de verre pour la fabrication de nouveaux produits présentent notamment un réel intérêt pour la filière et est à encourager.

    Une autre question à se poser est de savoir si le matériau est recyclé potentiellement ou réellement. Ce potentiel, spécifique à chaque matériau, correspond à la capacité à être recyclé et/ou réintroduit dans un cycle de production. On privilégiera un matériaux réellement recyclé, c.à.d. présentant un potentiel élevé de recyclage et pour lequel une filière de recyclage (up ou downcycling) existe au niveau régional et est utilisée.

    Aussi, il est important de travailler avec des matériaux à haut contenu recyclé, dont le processus de fabrication utilise des déchets ou des sous-produits en quantité plus ou moins importante et ce, à la place de matières premières (ressources naturelles).

    Au niveau de l’apport de matières premières, dans l’analyse de cycle de vie, on distingue actuellement les matières premières, les sous -produits, les coproduits.

    Hélas, pour les raisons suivantes, peu de déchets issus de la construction sont aujourd’hui «recyclés» ou «réintroduits» dans la production de nouveaux produits de construction: mauvaise perception du déchet, faible qualité du tri sur chantier, peu ou pas d’infos techniques sur les matériaux mis en œuvre il y a 20 et plus, peu de filières de collecte et de reprise par le fabricants.

    Comme le réemploi, le recyclage présente certaines exigences, en conception (faire un choix des matériaux adaptés) et sur chantier (estimation correcte des déchets, renfort et qualité du tri). Cette pratique nécessite donc d’avoir des connaissances et informations techniques sur les matériaux existants à valoriser. Pour ce faire il faudrait développer et encourager l’usage des passeports matériaux.

    Parmi les leviers, citons néanmoins qu’il existe des filières de collecte et de reprise par fabricants mais les règles ne sont pas claires.

    En conclusion :

    • le recyclage est une pratique qui permet de valoriser les déchets de construction et démolition. Cette pratique, complémentaire au réemploi est encore trop peu exploitée dans le secteur de la construction ;
    • le recyclage est une pratique qui permet d’utiliser des sous-produits et des co-produits et ce, dans une logique d’économie circulaire ;
    • il faut favoriser l’upcycling et encourager les filières de collecte et de reprise par les fabricants ;.
    • il faut outiller le secteur et principalement les entreprisesl

    En fin de présentation, Sophie Trachte a donné quelques références bibliographique et liste des filières de recyclage existantes.

    Retrouvez ci-dessous la présentation de Thomas Baguette :

    Le recyclage des déchets du bâtiment et ses défis à l’exemple de la laine minérale from LIEGE CREATIVE

    Knauf Insulation, producteur de référence de solutions d’isolation, démarre, avec des partenaires en collecte de déchets et des déconstructeurs, une vraie économie circulaire en boucle fermée, en se donnant pour mission de recycler la laine minérale pour en faire une matière première réutilisable à l’infini. Les principaux bénéfices de ce projet innovateur sont la réduction de la consommation de matières premières et la diminution des déchets envoyés en décharge.

    Après le partage, par Thomas Baguette (Knauf Insulation), de cet important projet qui s’inscrit dans le cadre du plan de développement durable du groupe, Sophie Trachte (Faculté d'Architecture, ULiège) replacera cet exemple dans le contexte plus large du secteur de la construction qui, on le sait, s’avère être un secteur-clé pour impulser un changement de paradigme, représentant à lui seul environ 40% de la production de déchets.

    Ainsi, le recyclage apparait-il comme une pratique nécessaire et complémentaire au réemploi dans ce secteur. Quand le recyclage permet à un matériau arrivé en fin de cycle(s) d’être réintroduit dans le même cycle de fabrication dont il est issu, il prend d’autant plus de sens qu’il permet de réduire la pression sur les ressources naturelles tout en valorisant les circuits courts.

    Si cette pratique offre de nombreuses opportunités d’innovation, tant au niveau de la production de nouveaux matériaux que du développement de nouveaux modèles économiques, elle fait encore aujourd’hui face à de multiples obstacles, tant financiers que logistiques, dont nous débattrons.