Orateur(s)
Marc Hanikenne Professeur de Biologie végétale translationnelle (ULiège)
Marc Degaute Directeur de la reconversion des friches industrielles (Wallonie Entreprendre)

Le végétal, c’est primordial : intérêts écosystémiques et économiques

    Résumé

    Cette rencontre-conférence nous a permis de mettre en avant les intérêts écosystémiques et économiques que le végétal peut apporter sur les sites en reconversion.

    Marc Degaute, Vice-Président du Comité de Gestion (SOGEPA), a commencé par présenter brièvement Wallonie Entreprendre (WE) qui est composé de plusieurs business units, dont une consacrée à la reconversion de sites. Les objectifs de cette unité sont : de trouver et de reconvertir des sites pollués ou non, en vue de les remettre à disposition d’activités économiques ; de valoriser ces sites et de les mettre en location ou en vente. La question de la reconversion des sites est plus que jamais d’actualité car, aujourd’hui, il n’est plus question de développer une nouvelle activité économique sur un site qui n’a pas déjà été industrialisé.

    WE agit en service commandé, sur base de décisions gouvernementales mais pourrait le faire sur fonds propre dans le futur si l’activité se révèle rentable. Marc Degaute a mis en avant le fonctionnement de WE « reconversion de sites » : un master plan est d’abord mis au point pour définir la planification stratégique de l’utilisation du site, ensuite WE joue le rôle d’ensemblier, avec divers acteurs (SPAQUE, intercommunales, acteurs privés…) et, enfin, WE participe aux comités d’accompagnement.

    L’orateur a ensuite abordé un point crucial quand on est confronté à des friches industrielles : le financement. Si la reconversion de sites répond à un besoin économique, aucun modèle rentable n’existe actuellement. Une des raisons est que le prix de la dépollution n’est pas compétitif avec le prix du foncier en Wallonie. Parmi les sources de financement, on peut citer l’application du décret « sol » (négociation avec les propriétaires/anciens exploitants qui doivent participer à la dépollution), le financement du Gouvernement wallon (pour les sites de grandes ampleurs), les appels à projets SPAQUE et FEDER, et le retour partiel sur investissement (via la vente ou location, une fois le site reconverti).

    Marc Degaute s’est ensuite focalisé sur l’élaboration du masterplan. Pour réaliser ce dernier, WE fait appel à un prestataire extérieur (l’agence française TER pour la région liégeoise) et réunit un consortium multidisciplinaire composé d’architectes, d’économistes… y compris des acteurs de la biodiversité et de la renaturation des sols. Le processus de réalisation d’un masterplan est issu d’une démarche participative et d’une très large concertation (125 structures concertées), le but étant d’aboutir à un masterplan partagé par tous les acteurs locaux. Cette ligne de conduite (non obligatoire) peut être revérifiée, si nécessaire, après quelques années pour rester pertinente.

    Marc Degaute a ensuite mis en avant 4 sites liégeois pour illustrer la place que la biodiversité peut occuper dans la reconversion de friches : le site de Chertal et 4 sites serrésiens. Le défi est de trouver l’équilibre entre économie, environnement et « société ».  Sur les 300 hectares disponibles sur ces 4 sites liégeois, 67% seront construits, toutes finalités confondues (logement, activités économiques…) et 26% (78 ha) seront dédicacés au paysage (espaces verts, biodiversité, espaces publics…), les pourcents restant représentant le patrimoine industriel à conserver. Deux espaces feront également office de réserves foncières car il s’agit de zones très polluées, non prioritaires pour la construction. Leur dépollution ne se fera donc pas avant plusieurs années. Aussi, l’idée serait d’utiliser le végétal dans ce type de zone, pendant cette temporalité. Un autre point d’attention est de profiter de la reconversion des sites pour les inscrire dans une armature paysagère locale, en ayant une certaine continuité entre les différentes zones vertes, sans avoir à traverser des zones bâties.

    Marc Hanikenne, Professeur de Biologie végétale translationnelle à l'ULiège et coordinateur de l'IIS "Waste2Bio", a débuté son exposé en rappelant le contexte actuel et les enjeux sociétaux multiples et complexes (réchauffement climatique, besoin de modes de production durables et de relocaliser les industries, déclin de la biodiversité…). Il a ensuite précisé le cadre dans lequel s’inscrit l'IIS "Waste2Bio" ; les IIS (Initiatives d’Innovation Stratégique) font partie de la Stratégie de spécialisation intelligente (S3) de la Wallonie, définissant des priorités afin de répondre aux défis sociétaux. Celles-ci ont été réparties en 5 DIS (Domaines d’Innovation Stratégique), dont le DIS « Alimentation saine et gestion innovante de l'environnement ». Pour soutenir chaque DIS, des IIS ont été lancées, c’est-à-dire, des activités et projets à grande échelle rassemblant un grand nombre d'acteurs. C’est ainsi que l’équipe de Marc Hanikenne a proposé un projet en lien avec les friches, Waste2Bio.

    Il a rappelé qu’on estime que 40 000 hectares de terrains sont potentiellement contaminés en Wallonie, ce qui pose divers problèmes (terrains abandonnés, pollution, plantes invasives, nuisances pour le citoyen et la santé) mais peut aussi créer des opportunités (lutte contre l’artificialisation des terres, infrastructure verte en ville, sources de produits bio-basés). Les friches s’inscrivent dans un ensemble plus large, celui des services écosystémiques que la nature nous rend. Ils sont de 4 grands types : approvisionnement (alimentation, bois…), régulation (de la température, de l’air…), culturel (esthétique, récréatif…) et de support (formation des sols, photosynthèse, biodiversité…).

    L’objectif de Waste2Bio est de favoriser la réalisation de ces services écosystémiques dans les friches. En effet, l’utilisation de végétaux sur les friches (phytomanagement) peut rendre des services tels que : stabiliser, dégrader ou extraire les polluants présents ; produire de l’énergie, des fibres et des molécules ; améliorer les sols ; préserver les ressources en eau ; renforcer la biodiversité. Aujourd’hui, on demande aux plantes de rendre de plus en plus de services et l’économie bio-basée se développe dans beaucoup de secteurs (pharmacie, cosmétique, construction, emballages…). Il est donc important de trouver un équilibre avec l’agroalimentaire, pour réduire la compétition entre les différents usages du végétal.

    Marc Hanikenne précise que le phytomanagement peut être implanté de façon temporaire ou permanente et donne l’exemple du site de Sambreville sur lequel l’activité a cessé pendant 60 ans. Il a été assaini entre 2020 et 2022 par la SPAQUE mais n’a pas encore retrouvé d’affectation. En attendant, un phytomanagement est en place avec, entre autres, la production de colza sur le site.

    L’orateur rappelle qu’une friche est une réserve foncière importante et qu’il s’agit aussi de trouver l’équilibre entre rendre une activité économique au site et réaliser un paysage productif (sans oublier l’objectif de zéro artificialisation nette de 2050). Marc Hanikenne a ensuite cité différents projets de phytomanagement (WALLPHY, la base de données Interreg, Ecosol de la SPAQUE) et précisé que les activités de production et de dépollution s’alternent sur les friches.

    La force de Waste2Bio est son réseau multi-acteurs (plus de 100) répartis à travers la Wallonie : propriétaires ou gestionnaires de terrains, investisseurs, chercheurs, entreprises, asbl… ; et qui recouvre 300 hectares de friches. Marc Hanikenne a présenté le plan d’actions de Waste2bio qui propose des outils pour aider au recensement de sites, du phytomanagement, un travail sur l’association d’espèces, une valorisation de biomasse (avec toute une série d’acteurs industriels), l’évaluation du rôle de la friche dans la préservation de la biodiversité, une production d’électricité (phytovoltaïque), des Plant Factories (produits à haute valeur ajoutée) …

    A terme, le but est de créer un living lab wallon qui rassemblerait toutes les expertises/expériences issues du projet et serait un démonstrateur et un point de contact. L’intervenant a présenté plusieurs projets dans lequel l’équipe de L’ULiège intervient avant de terminer sur l’exemple du site Porte Ouest à Charleroi où une zone très polluée non prioritaire va être investie pour y implanter du phytomanagement (biodiversité, biomasse, photovoltaïque).

    Retrouvez ci-dessous les présentations de la rencontre :
    Le végétal, c’est primordial : intérêts écosystémiques et économiques from LIEGE CREATIVE

    Dans un contexte de changements climatiques, de déclin de la biodiversité, de lutte contre l’artificialisation des terres et de compétition croissante pour l'affectation des sols à différents usages, différents sites à l’abandon représentent indéniablement un réservoir potentiel de terrains pour installer un couvert végétal pourvoyeur de multiples services écosystémiques.

    Cécile Nouet abordera l’initiative d’innovation stratégique « Waste2Bio » qui propose une approche intégrée de la réhabilitation de terrains de façon à les rendre économiquement viables, avec un impact positif sur l’environnement.

    Marc Degaute nous présentera les enjeux liés à la stratégie économique de ces solutions innovantes basées sur le végétal pour la reconversion des friches.

    Concrètement, « Waste2Bio » vise à créer, à l’horizon 2027, une plateforme opérationnelle déployant des solutions innovantes de phytomanagement pour redonner de la valeur aux friches de manière temporaire ou définitive. Les actions envisagées s’inscrivent dans plusieurs domaines d’innovation stratégiques (DIS) identifiés par la Région Wallonne.