Orateur(s)
Guillaume Derval Chercheur Postdoctoral, Assistant de Recherche (Smart Grids Lab, Faculté de Sciences Appliquées, ULiège)
Malika Jehin Conseillère Juridique, Direction des Services aux Consommateurs et des Services Juridiques (CWaPE)
Mathieu Waucomont Conseiller – Ingénieur, Direction Technique Gaz & Électricité (CWaPE)
Matthieu Chamberland Chef de projet Énergie et HVAC (Bureau d'Études Greisch)
Jean-Michel Dols Project Manager, Cellule Énergie et Techniques Spéciales (Bureau d'Études Greisch)

Les communautés d’énergie et le partage d’énergie : état des lieux, enjeux et impacts

    Résumé

    Cette conférence s’intéressait aux différentes formes de partage d’énergie autorisées en Wallonie, les modèles disponibles, leurs bénéfices et la législation y afférente. 
    Malika Jehin, Conseillère Juridique à la Direction des Services aux Consommateurs et des Services Juridiques à la CWaPE, a introduit la rencontre en brossant le cadre légal des deux directives européennes et de leur transposition dans la législation wallonne, dont le décret est entré en vigueur en octobre 2023.

    Les 2 différents concepts de communauté d’énergie (renouvelable ou citoyenne) et le partage d’énergie ont ensuite été définis, avec leurs principes directeurs.

    Communauté d’énergie : personne morale, dont le principal objectif est de fournir des avantages environnementaux, économiques ou sociaux à ses participants ou en faveur des territoires locaux où elle exerce ses activités plutôt que de générer des profits financiers.

    Partage d’énergie : activité exercée par un groupe de clients actifs agissant collectivement ou par les participants à une communauté d'énergie, consistant à se répartir entre eux, tout ou partie de l'énergie produite, et le cas échéant stockée, au sein d'un même bâtiment ou par la communauté d'énergie, injectée sur le réseau et consommée au cours de la même période de règlement des déséquilibres.

    Les différences entre CER et CEC se situent tant au niveau de leur structuration (dans les CER, les grandes entreprises ne peuvent pas être membres ou actionnaires et le périmètre de contrôle est réservé aux membres et actionnaires à proximité des installations de production) que de leurs activités (essentiellement les mêmes, les 2 pouvant faire de l’autoconsommation avec la nuance que c’est uniquement à base d’énergie renouvelable pour la CER).

    Mathieu Waucomont, Conseiller – Ingénieur à la Direction Technique Gaz & Électricité à la CWaPE, a quant à lui abordé les aspects plus techniques de l’activité de partage d’énergie.

    Les raisons en faveur du partage d’énergie sont de passer d’une autoconsommation individuelle à une « autoconsommation collective », de mutualiser des moyens de production collectifs et d’inclure un public plus large (qui ne dispose pas de potentiel productif). 
    La partage peut se faire entre clients actifs agissant collectivement au sein d’un même bâtiment ou entre membres d’une CER ou CEC.
    Pour partager son énergie, il faut être raccordé au réseau de distribution (RD) ou de transport local (RTL), un exercice mensuel par le GRD désigné, la base de temps est le quart d’heure et l’élément principal de la chaine est le compteur communicant, ou AMR, et leurs registres de prélèvement et d’injection.

    En ce qui concerne les clés de répartition, la CWAPE a établi un document qui établit les clés de répartition standard, au travers d’un lexique. Une clé de répartition détermine la répartition du volume partagé entre les participants à l’activité de partage. La somme des volumes ainsi répartis est dès lors égale au volume partagé. Une clé prend la forme d’une série de pourcentages, permettant d’attribuer une partie du volume partagé à chaque participant. Les clés disponibles actuellement sont la clé fixe égalitaire, la clé fixe spécifique et la clé dynamique au prorata de la consommation. Elles sont combinables en ces 3 itérations.

    Les bénéfices espérés du partage d’énergie se situent à 3 niveaux :

    • Individuels (acheter / vendre de l’électricité à un tarif avantageux, prendre part à des investissements collectifs) ; 
    • Sociétaux (intégration de plus de ENR et meilleure acceptation des projets par la population, accès à la production d’énergie pour les plus défavorisés, financièrement ou foncièrement) ; 
    • Réseaux (pour les formes de partage faisant intervenir la proximité technique, potentiel réduction de la pointe, modération des investissements en faveur de la capacité. 

    Enfin, les procédures de notification de la création de la CE et les procédures de notification du partage ont été expliquées par Malika Jehin, en regard aux obligations reprises dans la législation.

    Les outils et formulaires disponibles sont accessibles sur le site de la CWaPE .

    Guillaume Derval, Chercheur Postdoctoral et Assistant de Recherche au sein du Smart Grids Lab de l’ULiège, a ensuite partagé son expertise quant au dimensionnement des CER.

    L’objectif premier du partage d’énergie étant d’optimiser ses factures en énergie, il est important de bien comprendre sa facture d’énergie et que le coût de l’énergie ne représente qu’une petite partie de cette dernière. La répartition des coûts au KWH est en fait composée :

    • Du prix de l’énergie + de la marge du fournisseur (44%)
    • Des frais de réseaux (transport et distribution) (24%)
    • Des surcharges (taxes/frais divers) (26%)
    • De la TVA (6%)

    Le gain financier possible du partage d’énergie est donc limité à 50% de la facture
    Il a présenté quelques exemples chiffrés, d’un point de vue d’achat/revente au fournisseur et d’un point de vue d’achat/revente au sein d’une CER, en termes d’autoconsommation complète, partielle et nulle. 
    Pour en conclure que la manière principale d’économiser est l’autoconsommation (gain sur 100% de la facture), là où, à l’inverse, l’alloconsommation (tout sur le réseau) est le pire des cas. L’injection (gains faibles) et le partage (gain de max 50% sur la facture) sont des options intermédiaires. Ceci est vrai tant financièrement, que environnementalement, que pour la stabilité du réseau.

    Ensuite, Guillaume Derval nous a expliqué que la définition du prix de l’énergie échangée était déterminante. Le prix de l’énergie étant variable, il existe des techniques pour, en pratique, choisir le prix :

    • Forcément plus élevé que le tarif d’injection des membres qui partagent/injectent ;
    • Forcément moins élevé que le tarif de consommation des membres qui partagent/consomment ;
    • Possiblement dynamique ! 
    • Optimum mathématique : marché interne, prix déterminé automatiquement pour équilibrer le marché chaque 15 minutes ;
    • Optimum pratique: à chacun de voir... 

    Outre le prix, la collaboration, tant collective qu’individuelle, est importante. Investir dans de la capacité de production nécessite de connaitre (partiellement) la consommation/production des voisins et le risque de compétition en cas d’investissement de ces mêmes voisins n’est pas nul. Quid également des problèmes d’équité et d’égalité entre les membres ?

    Le projet INTEGCER, mené dans la parc industriel des Hauts-Sarts a ensuite été présenté. 
    Il a pour objectif de pallier aux différents chaînons manquants pour le développement et l’accueil, de façon optimale, de ces communautés en développant des outils et services spécifiques aux CER tels des logiciels permettant le dimensionnement, l’intégration dans les réseaux de distribution et les marchés de l’électricité, la gestion opérationnelle à grande échelle.

    Pour terminer sa présentation, il a présenté les résultats du projet : 

    • Peu de surproduction, donc peu d’échanges ; 
    • Intérêt économique faible (< 5% de réduction des coûts, invest compris) ; 
    • Batterie non-optimale ; 
    • MAIS installation de capacité supérieure ; 
    • Une éolienne change fortement la donne (car énormément de surproduction) ; 
    • Plus les coûts de l’énergie sur les marchés sont élevés, plus le partage est rentable économiquement. 

    Jean-Michel Dols, Project Manager de la Cellule Énergie et Techniques Spéciales au Bureau d'Études Greisch, nous a ensuite présenté, après un rappel du cadre et de l’historique, la méthodologie utilisée et les hypothèses émises pour l’étude de faisabilité visant la mise en place d’une CE pour le partage d’énergie électrique au sein du LIEGE science park (LSP).

    Les principaux résultats de cette étude montrent que la mise en place d’une CE, regroupant les 21 membres pris en compte, présente :

    - Un intérêt sociétal et d’image : 

    • Un des premiers projets potentiellement en place en Wallonie (visibilité) ;
    • Valorisation en termes de reporting ESG (cadre européen) ;
    • Esprit LSP (pionnier, développement, communauté, …) 

    - Un intérêt environnemental : 

    • Plus de frein à augmentation de la taille de futures installations de production d’électricité renouvelable (ENR) ;
    • Outil favorable à l’intégration de nouveaux assets de production d’ENR ;
    • Disponibilité d’énergie renouvelable pour les entreprises ne pouvant pas en installer ;

    - Un intérêt économique positif, assez réduit d’un point de vue global mais variable suivant la taille des membres.

    Au vu de ces résultats, la mise en place d’une CE, dans ce cas précis du LSP, est dès lors conseillée, d’autant plus qu’en sus des avantages précédents, une CE : 

    • Constituera un excellent outil pour augmenter le potentiel PV jusqu’à son maximum (complémentairement aux actions individuelles) ; 
    • Constituera un excellent outil pour acquérir/intégrer d’autres assets de production d’électricité (renouvelable) : augmentation part renouvelable ET, sur cette part, diminution de la volatilité du prix de l’électricité ; 
    • Pourra éventuellement ajouter d’autres services ;
    • Pourra constituer une base de projet en matière de stockage (déplacement du point de charge) ;
    • Sera « aux premières loges » en cas d’adaptation/évolution de la réglementation.

    Mathieu Waucomont a clôturé cette rencontre avec quelques points d’attention en lien avec les prérequis au partage (individuellement et collectivement), les différentes notions de proximité pour le partage au sein d’un bâtiment, d’une CER et d’une CEC, les moyens de production (sources et origine), les aspects économiques.

     

    Depuis 2023, le partage d'énergie ouvre de nouvelles perspectives tant pour les particuliers que pour les entreprises. Cette pratique permet notamment aux petits producteurs d'énergie, notamment ceux équipés de panneaux photovoltaïques, comme les citoyens et les PMEs, de partager directement leur surplus d'énergie avec d'autres, en contournant les fournisseurs traditionnels. En Wallonie, trois formes de partage sont autorisées : le partage au sein de Communautés d'Énergie Renouvelable (CER), le partage au sein de Communautés d'Énergie Citoyennes (CEC) et le partage intra-bâtiment.

    Cette initiative vise non seulement un bénéfice économique mais aussi des retombées écologiques et sociales.

    Cette rencontre-conférence qui mettra en présence un chercheur spécialisé sur ce domaine en pleine évolution et des représentants du régulateur wallon pour l’énergie sera l’occasion d'offrir un aperçu de la législation récente sur le partage d'énergie ainsi que d'explorer les divers modèles disponibles. Les impacts de ces initiatives, tant au niveau des membres des communautés que de la société en général, seront également évoqués. Parmi les points clés, seront abordés les coûts et les gains associés, leur répartition, ainsi que les conséquences pour les différents acteurs.

    Le Bureau Greisch illustrera les présentations de la CWaPE et de ULiège par le résumé d’une étude de faisabilité finalisée récemment et concernant un partage d’énergie au sein du LIEGE science park.