Orateur(s)
Haissam Jijakli Professeur (Urban agriculture and Plant Pathology – Gembloux Agro-Bio Tech, ULiège)
Olivier Castus Project Manager (Green Nest)
Marc Van Den Neste Project Manager (District Cleantech)
Margaux Monforti Project Manager (District Cleantech)

Les serres en toiture : des atouts pour les villes en transition ?

    Résumé

    Haïssam Jijakli, Professeur (Urban agriculture and Plant Pathology – Gembloux Agro-Bio Tech, ULiège), a débuté la conférence en passant en revue les atouts des serres en toiture.

    Il a tout d’abord introduit le concept des 9 limites planétaires développé par les scientifiques ; les dernières limites dépassées (2022) étant l’eau dite « verte », qui participe à l’humidité du sol et assure le maintien des végétaux, et l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère (substances artificielles introduites dans la nature).

    L’agriculture ou plus précisément la production agro-alimentaire est un facteur important de dégradation de la planète et il est donc urgent de transformer radicalement le système alimentaire mondial. Les autres défis de l’agriculture sont :

    • D’accompagner la transition vers un régime alimentaire plus sain (rapport de la commission EAT-Lancet), à l’échelle de la planète.
    • L’augmentation de la population, surtout concentrée dans les villes.

    Pour répondre à ces défis émergent de nouveaux modes de productions et transformations et parmi ceux-ci une relocalisation en milieu urbain et périurbain. Différentes techniques peuvent se faire en ville : culture en pleine terre, culture sous serre, bacs de culture, hydroponie et aquaponie, culture indoor et petit élevage.

    Haïssam Jijakli a présenté la plateforme WASABI (WAllonne de Systèmes innovants en Agriculture et BIodiversité urbaine) développée au sein de la Faculté de Gembloux Agro-Bio Tech, avec les étudiants et d’autres collègues. La plateforme regroupe 4 pôles (agriculture urbaine, biodiversité, jardin botanique et jardin de pluie) sur un site de 5 hectares et est un lieu de recherche, d’enseignement et de démonstration. C’est un outil unique en Europe. Dans le pôle « agriculture urbaine » sont développés des projets de cultures en pleine terre, d’aquaponie, de cultures indoor et de culture en serre (depuis 2022). Le Professeur en est ainsi arrivé à évoquer le bilan du projet SERR’URE, une serre urbaine basse énergie, après 2 ans d’expérimentations, au cœur des attentions pour cette conférence.

    Via cette serre, intégrée dans le projet Interreg GROOF, il est notamment recherché de réduire les émissions de CO2 d’une serre connectée à un bâtiment. Cela nécessite des compétences transversales (construction, énergie, business, agronomie). Les objectifs de la SERR’URE sont :

    • D’être neutre en CO2 dans l’opérationnel
    • D’être une serre réversible pour pouvoir évoluer avec un bâtiment
    • D’être un démonstrateur pilote, de dimension suffisante pour faire une extrapolation économique
    • D’être une serre de recherche pour réaliser plusieurs études

    Haïssam Jijakli a présenté l’évolution de la serre et les choix qui ont été faits (forme de la serre, emplacement, types de cultures, instruments de mesure coûts…). Il a partagé les premiers résultats en terme d’économie de CO2 (comparable à une référence Médium) et l’ambition de devenir proche de la meilleure référence en matière de réduction d’émission de GES. L’objectif est de continuer à faire évoluer la serre. Différentes expérimentations sont en cours sur : les panneaux photovoltaïques, où la difficulté réside dans l’équilibre à trouver entre le développement de la plante et la production d’énergie ; la production en hydroponie ; la production de phyto-molécules à haute valeur ajoutée (CBD-THC).

    Les ambitions pour la suite de SERR’URE sont :

    • La mise en place d’un système pour se connecter à l’énergie fatale et l’utiliser dans la serre (afin d’être neutre en émission de GES)
    • Améliorer l’utilisation des ressources organiques comme fertilisants des plantes
    • Améliorer la durabilité des systèmes de productions

    Cela dans le but de répondre à ce challenge : Comment produire localement dans une serre de taille réduite et être économiquement viable ? Pour y arriver, l’IIS WASABI 2.0 a été créée et différentes collaborations sont aussi menées avec d’autres projets qui développent des serres en toitures. Pour conclure, Haïssam Jijakli a dressé une liste des gains attendus en posant la question de la vocation principale de la serre de toiture : productive, sociale ou énergétique (autant de gains potentiels) ?

    Olivier Castus, Project Manager chez Green Nest, a ensuite présenté 2 projets (Projet Béco 87 et Projet Elizabeth à Bruxelles), ainsi que les objectifs de Green Nest. Aujourd’hui, le bureau est sollicité par des investisseurs pour mettre en place une stratégie bas carbone, dans des environnements urbains très minéralisés. L’objectif poursuivi est d’agir via le bâti, en luttant contre les îlots de chaleur mais aussi en touchant les consommateurs, qui se concentrent surtout dans les villes. Dans ce cadre, l’agriculture urbaine peut aussi jouer un rôle pour temporiser les eaux de pluie, être un refuge pour la biodiversité… Green Nest inclut également dans sa stratégie bas carbone des bilans carbone et une compatibilité écologique. Dans un projet immobilier, c’est un challenge d’intégrer de l’agriculture urbaine en faisant sens.

    Les deux projets présentés sont lauréats de l’appel à projets GROOF par Interreg, qui a été une véritable opportunité. Via GROOF, ils peuvent capitaliser sur un savoir européen en matière d’agriculture urbaine. Le modèle économique envisagé est diversifié et comprend une micro-ferme urbaine, des activités pédagogiques, une ferme péri-urbaine et des activités commerciales ; l’objectif étant de retourner vers une souveraineté alimentaire. Pour retranscrire ce modèle à Bruxelles, il faut des infrastructures adaptées et trouver un équilibre entre production (avec une polyvalence au niveau des cultures) et activités à haute valeur ajoutée. En connectant les différents projets, on pourra créer un écosystème cohérent et des synergies, ce qui permettra une mutualisation comme levier de résilience.

    Olivier Castus a partagé plusieurs images du Projet Béco 87 à Ixelles, divisé en plusieurs parties : ateliers cuisine, logement, espace de conférences, serre (production de 1,35 tonnes pour un usage sur le site) … Il s’agit de réinterpréter le bâtiment existant sans le détruire. Des images du Projet Elizabeth, contenant une micro-ferme urbaine, ont également été montrées. Ce type de projet permet aussi de sensibiliser les jeunes générations au changement climatique, à commencer par celles vivant dans le quartier. En conclusion, ce type de projets contribue à reconnecter la ville avec les zones rurale et périurbaine.

    Enfin, Margaux Monforti, Project Manager chez District Cleantech, a présenté le projet Greenhouse Lab à Charleroi. Il s’agit de réhabiliter la Porte Ouest de Charleroi, ancien site sidérurgique d’une centaine d’hectares situé en plein centre-ville. Cette réhabilitation comprend un parc métropolitain, une caserne, une antenne du port autonome et un District Cleantech (40 hectares). Le but de ce dernier est de créer un hub économique et d’innovation sur des thématiques Cleantech, en rénovant deux infrastructures : la Centrale et les Vestiaires.

    Ses 5 objectifs clés sont :

    • Soutenir et accompagner la décarbonation et l’émergence de nouveaux modèles circulaires
    • Stimuler l’entreprenariat & multiplier les projets d’innovation
    • Renforcer et structurer de nouvelles filières de formation en adéquation avec les besoins des entreprises
    • Réduire le temps d’adoption de nouvelles solutions clean techniques innovantes
    • Renforcer l’offre d’accueil pour les entreprises nationales et internationales

    Le District Cleantech se concentre sur des projets de transition énergétique, de rénovation durable et de circularité (dont l’agriculture urbaine). Il bénéficie du Fonds de transition juste et l’écosystème commence à se construire, notamment avec la Faculté de Gembloux et WASABI pour industrialiser les bonnes recettes testées par la recherche.

    Margaux Monforti a ensuite présenté les raisons pour lesquelles introduire un projet d’agriculture urbaine au sein du District Cleantech :

    • Cela rentre dans la Stratégie Food C de Charleroi Métropole, une stratégie territoriale visant à accélérer la transition vers une alimentation locale, durable, saine et accessible à toutes et tous.
    • Cela permet de combler certains chaînons manquants : via la création d’un Hub logistique et d’une Cuisine centrale
    • Un potentiel débouché dans la production de phyto-molécules à haute valeur ajoutée

    Elle a conclu en présentant le projet du GreenHouseLab, une serre de 1000 à 3500 m2 en toiture qui sera une plateforme pour l’innovation (serre en synergie avec son environnement, technologique et de démonstration), l’incubation (il faut des entrepreneurs pour avoir un écosystème performant) et la formation (à la pratique de l’agriculture urbaine).

    La SERR’URE, serre urbaine basse énergie, a été construite en 2021, à l’initiative du Centre de recherches en agriculture urbaine (C-RAU). Elle a été implantée sur le toit d’un bâtiment de Gembloux Agro-Bio Tech (Université de Liège) grâce au projet européen GROOF (Greenhouse to Reduce CO2 on RooFs). Les activités réalisées dans la SERR’URE ont pour but d’évaluer la valeur ajoutée des serres sur toit dans l’agriculture et l’immobilier.

    Les économies énergétiques afin de diminuer l’empreinte carbone sont-elles réelles en connectant la SERR’URE à un bâtiment ? Peut-on bénéficier de l’énergie décarbonée produite en y implantant des panneaux photovoltaïques qui ne perturbent pas la croissance des plantes ? Peut-on se passer de fertilisants issus de la pétrochimie ? Une activité économique rentable et locale est-elle envisageable ?

    Après 2 années de fonctionnement de la SERR’URE, le Professeur Haissam Jijakli (C-RAU) dévoilera un premier bilan permettant de répondre en partie à ces questions. Inspirés par la SERR’URE et GROOF, deux projets de serre en toiture sont en cours de développement à Bruxelles et à Charleroi. Ils seront exposés respectivement par Olivier Castus (Projet Salle de spectacle Elizabeth à Bruxelles) et par Margaux Monforti et Marc Van Den Nest (Projet District CleanTech à Charleroi).