L’influence du bâti sur nos comportements et nos perceptions
Résumé
Julie Neuwels, Chargée de cours en Faculté d’Architecture (ULiège) a débuté la rencontre-conférence en se réjouissant du titre de l’exposition consacrée à Louis Bosny : « évoquant une sobriété créative » qui lui rappelle « la frugalité heureuse » promue par l’architecte français Philippe Madec. Les 2 architectes définissant une architecture qui ne « gesticule pas inutilement », une architecture qui s’engage dans la qualité spatiale et la justice sociale.
Au cours de son intervention, Julie Neuwels ne s’est pas focalisée sur l’expo et l’œuvre de Louis Bosny mais, en nous livrant une lecture historique et sociologique de l’architecture au cours du dernier siècle, ainsi que de la conception de l’habitat, elle a pu mettre en évidence dans quelle mesure l’œuvre architecturale de Louis Bosny se démarque de nombreuses pratiques aujourd’hui répandues. En relatant les grandes évolutions de l’« habiter », la chercheuse a souligné à quel point des idéologies influencent notre idée du confort aujourd’hui. Un confort domestique moderne qu’il serait juste de réinterroger, tant il est lui-même porteur d’injustices sociales.
Julie Neuwels a parcouru ainsi rapidement comment la conception et la perception de l’habitat se sont transformées en 1 siècle.
Quand Louis Bosny est né (1924), beaucoup de gens vivaient encore dans ce qu’on qualifierait désormais de « taudis » alors que l’on observait une arrivée massive de populations pour travailler dans les usines. On parle alors de « chaos urbain ». Aucune politique d’habitation n’existant. Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que les conditions de logement s’améliorent. Tout une série d’idéologies sont à l’origine de nos représentations :
L’hygiénisme : pour des conditions de vie salubres.
Les préceptes modernistes : avec cette envie d’offrir des bonnes conditions de vie au plus grand nombre, en tirant profit des apports techniques de l’époque.
Les arts ménagers : l’art de bien tenir sa maison avec la transposition des concepts fordistes à la maison (visant l’efficacité).
Le techno-optimisme avec l’installation des réseaux (eau, électricité). Un logement doit être connecté aux réseaux pour être moderne.
L’importance de la science : les scientifiques s’intéressent à la question de l’habiter (ventilation, circulation de l’air dans l’espace, ergonomie, …).
La mécanisation avec notamment la production de masse et la consommation accrue. Le logement va occuper une place importante pour la création des nouveaux consommateurs.
Ainsi, progressivement, au cours des 30 glorieuses, l’habitation apparait comme un reflet de la modernité. Une société d’abondance.
Dans ces sociétés de consommation, apparaissent les équipements qui offrent par exemple un meilleur climat intérieur également (chauffage central, …). Le chauffage central modifie évidemment les habitudes de comportements des habitants.
Apparition également des salles de bain, cuisines et tous les équipements que l’on connait aujourd’hui (frigo, etc.)
Toutes ces nouveautés, pas si anodines, apparaissent d’abord comme du luxe, avant de nous sembler, aujourd’hui, correspondre à un confort incontournable (« Du luxe au confort » Jean-Pierre Goubert). Un confort d’objets est apparu (« La société du confort » Jacques Dreyfus) nous menant finalement à un aménagement du confort davantage guidé par des valeurs d’échange que par des valeurs d’usage ; ce qui peut se lire comme une forme d’aliénation (Lefèvre) …
Et la chercheuse de souligner que l’on peut en effet questionner ces évolutions aujourd’hui. La société du confort a en effet aggravé les différences sociales. Et précarité énergétique et numérique se rajoutent désormais au tableau.
Autre problématique pointée par Julie Neuwels : les maisons sont peu adaptables. Avec une grosse majorité de ménages demain comptant une seule personne ! Or l’obsolescence de l’habitat mène régulièrement aux démolitions. Ce qui a permis à la chercheuse de faire le lien avec les enjeux écologiques bien connus mais aussi avec la problématique des rénovations énergétiques qui ne font qu’aggraver encore les écarts d’un point de vue de justice sociale.
Carmelo Virone (écrivain et scénariste de l’exposition) a ensuite partagé quelques lectures relatant son admiration en découvrant l’œuvre de Bosny, cet architecte engagé dans la construction sociale, attentif au bien-être individuel et collectif qui visait notamment particulièrement la qualité des espaces pour la vie en commun. Convivialité, valorisation des communs (comme une cage d’escalier par ex., confort, …). Ses lectures nous ont emmenés dans d’autres lieux, en balade notamment dans une ZAD du côté d’Arlon, pour un autre rapport au monde …
Enfin, Pierre Hebbelinck, (architecte et Éditeur en Chef Fourre-Tout Editions) nous a partagé l’aventure humaine qui se love derrière l’édition de « Une sobriété Créative — Louis Bosny, architecte. 1924 – 1983 » paru chezFourre-Tout Editions. Profondément touché par la profonde humanité de l’œuvre de Bosny qu’il a découverte il y a 30 ans, ses pas l’ont mené à l’architecte Jean -Michel Degraeve, incontournable en matière d’architecture du logement social en Wallonie. Ce dernier s’est imprégné de sa vie et a accédé aux fonds d’archives qui lui ont permis de tracer l’histoire d’une époque, la singularité d’un homme discret, presque trop humble et de sa pensée conceptuelle traduite dans une architecture sobre, créative et empathique. Une véritable enquête sociale, historique, engagée et architecturale dont rend compte l’exposition à découvrir encore, à la Cité Miroir jusqu’au 2 février !
Annonce
! Les inscriptions pour cette conférence sont désormais clôturées !
Comment nos intérieurs façonnent-ils nos vies ? Quels liens tissons-nous avec nos espaces ?
En établissant des ponts entre les travaux de Julie Neuwels, chercheuse à l'Université de Liège, sur les différentes façons d'habiter et l'œuvre de l'architecte liégeois Louis Bosny, cette conférence explorera l'évolution de l'habitat à Liège et ses répercussions sur le quotidien, grâce à l'expertise de Pierre Hebbelinck, architecte et éditeur de deux ouvrages consacrée à Louis Bosny et Carmelo Virone, écrivain et scénariste de l'exposition “Louis Bosny. Pour une architecture sobre et créative”.
Il sera aussi question de décrypter les codes de l'architecture et de l’urbanisme et de comprendre comment notre environnement bâti influence nos comportements et nos perceptions. Enfin, cet échange à 3 voix permettra de découvrir les dernières tendances en matière d'habitat, et de relier des préoccupations à la fois intimes et collectives.
Cette conférence fait écho à l'exposition actuelle de La Cité Miroir “Louis Bosny. Pour une architecture sobre et créative”. Votre inscription à la conférence vous y donnera directement accès.
Les inscriptions pour cette conférence sont désormais clôturées.