Orateur(s)
Prof. Philippe Kolh Directeur du Département de la Gestion du Système d'Information (CHU de Liège)
Jean-Baptiste Duquenne Chef de Clinique Adjoint en Pneumologie et Candidat Spécialiste en Oncologie Thoracique (CHU de Liège)
Jérôme De Cooman Assistant-Doctorant (ULiège), Junior Researcher (Liege Competition and Innovation Institute)

Rencontre-conférence en ligne

Télémédecine, données personnelles et intelligence artificielle

    Résumé

    Notre rencontre-conférence nous plongeait ce matin au cœur de la digitalisation des soins de santé avec un regard croisé juridique et médical sur la télémédecine, les données personnelles et l’intelligence artificielle.

    [04:36] Le Prof Philippe Kolh (Directeur du Département de la Gestion du Système d’information du CHU de Liège), a introduit la rencontre en posant quelques constats et observations quant au processus d’informatisation à l’hôpital universitaire. Il a fait notamment l’état des lieux du déploiement, au CHU, du dossier patient informatisé, qui atteint le niveau 6 sur 7 sur l’échelle EMRAM de HIMSS (qui mesure le niveau d’informatisation).

    Il a également rappelé que l’innovation numérique en santé est loin de se résumer à sa dimension technique ou scientifique ; elle intègre une innovation d’usages pour laquelle il est primordial d’accompagner les « utilisateurs ». Les technologies médicales ont évolué rapidement ces trente dernières années, notamment à cause des 4 facteurs d’évolution suivants :

    • Les progrès dans les domaines non médicaux ;
    • La surspécialisation médicale ;
    • La vulgarisation médicale ;
    • Le moteur industriel.

    Un élément important dans ce cadre est la prise en charge ambulatoire du patient. Et d’insister sur le fait qu’il faut évoluer pour passer progressivement d’un modèle hospitalo-centrique à un modèle centré sur le patient.

    La télémédecine, qui s’est considérablement déployée depuis la crise sanitaire,  n’a pas pour objectif de se substituer aux pratiques médicales traditionnelles. Elle est une solution pour répondre à certains enjeux (accès, insuffisance de personnel…) mais nécessite bien des garde-fous (qui seront développés dans la suite de la conférence).

    Enfin, pour clore son introduction, le Prof Kolh a cité deux exemples de télémédecine au CHU de Liège : Telestroke, outil d’assistance à distance pour la prise en charge rapide des accidents vasculaires cérébraux et Tele-SPOT, outil de diagnostic à distance, par un dermatologue, de lésions cutanées suspectes.

    [18:47] Le Dr Jean-Baptiste Duquenne (Chef de Clinique Adjoint en Pneumologie - CHU de Liège), a ensuite partagé son point de vue de praticien de terrain. Il a démarré son intervention en donnant la définition de l’OMS de la télémédecine (TLM) comme étant « la pratique de la médecine au moyen de techniques de communication des données ; cela comprend la fourniture de soins médicaux, la consultation, le diagnostic et le traitement, ainsi que la formation et le transfert de données médicales ». Aussi, il a souligné  l’importance du mot « données » qui est mentionné deux fois dans cette définition. Cette dernière, très large, regroupe un grand nombre d’applications et on peut distinguer deux types de télémédecine ; la TLM clinique (télé-consultation, le télé-monitoring, la télé-conseil, la télé-expertise, télé-assistance) et la TLM informative (l’éducation des patients par des supports informatiques).

    Ces nouvelles technologies, sources de nombreuses opportunités mais aussi de dérives potentielles, ne remplaceront pas les pratiques existantes mais vont permettre, sous conditions, de s’articuler avec notre quotidien. Pour illustrer ses propos, Jean-Baptiste Duquenne a présenté deux exemples liégeois : l’un permettant l’autonomisation des patients atteints de pathologies respiratoires chroniques ; COMUNICARE, compagnon de parcours de soins (qui fut le cœur de son TFE) qui offre une auto surveillance et l’autre, Tele-SPOT, mentionné précédemment par le prof Kolh, facilitant la coordination des soignants.

    Il a ensuite fait le point sur les remboursements INAMI. Avec la pandémie COVID19, l’INAMI a mis en place une nomenclature de remboursement pour les prestations à distance (attention qu’il s’agit de véritables consultations, nécessitant un rapport, et non de simples coups de téléphone). Cette décision a rencontré un vif succès même si cette nomenclature reste limitée à certaines prestations.

    L’interdépendance entre la télémédecine et l’Intelligence artificielle (IA) a ensuite été abordée. On entend par IA des programmes informatiques complexes capables de simuler certains traits de l'intelligence humaine (raisonnement, apprentissage…) L’apprentissage d’une AI se fait surtout via le « machine learning » qui reste guidé par l’humain, sur base d’une grande quantité de données fournies par l’humain également.

    La récolte des données reste un grand défi de la télémédecine. Il va falloir assurer une récolte de données de qualité, les harmoniser pour les rendre lisibles par la machine, interconnecter les capteur, assurer un transfert sécuriser...
    Le Dr Jean-Baptiste Duquenne a terminé son exposé par un exemple concrétisant ses propos.

    [33:00] Notre troisième orateur, Jérôme De Cooman (Assistant-Doctorant au service du droit européen ULiège) a complété les interventions précédentes avec les cadres juridiques existants quant à la protection des données personnelles, notamment le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) qui protège juridiquement le citoyen européen.

    La base légale du consentement éclairé, explicite et donné librement par le patient, ainsi que ses droits et les obligations du responsable du traitement (médecin) et de son sous-traitant ont été abordés.

    La réflexion a ensuite porté sur le postulat faisant de l’IA un outil d’aide dans les décisions médicales pour affiner nos prises en charge et corriger certains facteurs humaines et biais cognitifs
    Le sujet des biais cognitifs a ainsi été abordé et illustré par quelques exemples (biais de disponibilité, excès de confiance, biais de dynamique de diagnostic…). Un biais cognitif est une distorsion dans le traitement d’une information lié aux préjugés acquis ou innés, sociaux et culturels, à une erreur d’appréciation des statistiques et de la rationalité mathématique, aux stimuli environnementaux qui rivalisent avec notre attention. Une équipe US estime que 75% des erreurs commises en médecine interne seraient d'origine cognitive, ce qui pointe une des faiblesses importantes en tant que médecin.

    Néanmoins, se faisant l’avocat du diable, Jérôme De Cooman a mis en évidence que les biais de l’IA existent aussi, notamment par le biais de l’automatisation, c’est-à-dire la tendance irrationnelle à accepter une décision prise automatiquement sans la remettre en question et ce même si l’on soupçonne un mauvais fonctionnement. Évoquant le droit de la responsabilité, l’exigence du contrôle humain et de l’action humaine, il a rappelé que des solutions existent pour contrecarrer ce biais de l’automatisation mais qu’il appelle à une extrême vigilance pour éviter de tomber dans une forme de complaisance envers les systèmes.

    Enfin, quant au risque souvent décrié d’une déshumanisation de la relation patient-médecin, de par la dématérialisation de celle-ci, Jérôme De Cooman a pu affirmer qu’il ne partageait pas ce point de vue,  de nombreux garde-fous juridiques veillant à l’éviter.

    En conclusion, la TLM et l’IA doivent encore gagner la confiance. Elles vont, séparément ou ensemble, apporter une série d’éléments positifs sur l’évolution de la médecine. Le médecin doit néanmoins rester le seul responsable de ses actes. L’IA, bien utilisée, apporte des éléments complémentaires précieux. Un progrès qui appelle au développement d’un esprit critique aigu, de la part de tous.

    Retrouvez ci-dessous le replay et les présentations de cette rencontre :

    Télémédecine, données personnelles et intelligence artificielle | LIEGE CREATIVE, 09.12.2021 de LIEGE CREATIVE

    Suite aux progrès et à la diffusion des supports informatiques, la télémédecine et l’intelligence artificielle prennent de l’ampleur dans nos sociétés. Quel en sera l’impact sur notre pratique médicale ? Comment seront protégés ses utilisateurs ?

    Cette rencontre-conférence LIEGE CREATIVE propose un regard croisé juridique et médical sur ces nouvelles technologies.

    Après un rappel de ce qui distingue et réunit à la fois l’intelligence artificielle et la télémédecine – qu’il ne s’agit pas d’amalgamer – cette rencontre-conférence permettra de mettre en perspective les opportunités et dérives potentielles pour lesquelles la vigilance doit être de mise dans un secteur qui, sous l’impact de ces innovations, se trouve en pleine mutation.

    En effet, si ces nouvelles technologies ne sont pas destinées à remplacer les pratiques médicales mais plutôt à s’intégrer dans le quotidien de la relation patient-médecin, celles-ci génèrent autant de bénéfices que de risques potentiels.

    Pour ouvrir la rencontre, le Prof Philippe Kolh, Directeur du Département de la Gestion du Système d’information du CHU de Liège posera quelques constats et observations issus de la situation à l’hôpital universitaire.
    Le Dr Jean-Baptiste Duquenne partagera son point de vue de praticien de terrain, étayé par un travail effectué sur l’apport d’une application de type « compagnon de santé digital » dans le domaine des pathologies respiratoires chroniques.

    Jérôme De Cooman, apportera lui, un éclairage à l’aune des cadres juridiques existants évoquant notamment le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) qui protège juridiquement le citoyen européen.

    Entre nuances et effets miroirs, les enjeux liés à la médecine de demain seront discutés.


    Les rencontres-conférences en ligne sont gratuites pour les membres de la Communauté ULiège et pour les partenaires de LIEGE CREATIVE.

    Pour les autres participants, le montant de 10€ est à verser sur le compte BE02 3401 5581 1340 au plus tard 48h avant la conférence avec, en communication : le nom du participant et la date de la conférence.

    Le lien d’accès vous sera envoyé le matin de la conférence.
    Plus d’infos : consultez notre FAQ