
Vers d’autres valorisations des déchets bois ?
Résumé
Sophie Trachte Professeure à la Faculté d’Architecture, a démarré son intervention par différentes définitions de l’économie circulaire en expliquant pourquoi celle-ci était un enjeu pour le secteur de la construction. En effet, le secteur de la construction est un gros consommateur de ressources qui doit s’inscrire dans les objectifs de neutralité carbone. Il est face, aujourd’hui, à un parc de bâti ancien, peu performant auquel il faudra trouver des solutions. Afin de structurer les actions à mettre en place, Madame Trachte est partie de la Directive-Cadre sur les déchets qui propose une hiérarchie d’actions en termes de prévention et de valorisation des déchets. Il sera donc essentiel de conserver des produits pour ne pas en faire des déchets en se basant sur le concept des 9 R qui consiste à créer un système plus durable, en boucle fermée, pour prolonger la durée d'utilisation des produits et maintenir leur valeur le plus longtemps possible.
En 2018, nous avons produit 1 612 792 tonnes de déchets bois, 12% du secteur de la construction, 68% de la transformation du bois, 16% de la production de papier/carton et 4% d'autres secteurs. La valorisation de ses déchets fait partie des objectifs de l’Initiative d’Innovation Stratégique Valbowal qui vise à établir une chaine de valeur complète pour exploiter le bois wallon de façon locale, durable et circulaire.
Face à un déchet bois, il y a 3 possibilités : le réemploi, le recyclage et la valorisation. L’usage de matériaux de réemploi permet de réduire le nombre d’étapes du cycle de vie et principalement les étapes les plus impactantes : production et fin de vie. L’outil TOTEM permet d’ailleurs de comprendre les différences d’impacts entre deux matériaux utilisés.
En conclusion :
- Si la forêt wallonne et européenne est actuellement en croissance, l’usage plus intensif du bois dans les prochaines décennies doit être pensé durablement.
- Nos ressources « bois» sont sous pression. Il est donc nécessaire de se diriger vers une ressource alternative comme le réemploi, la réutilisation et/ou le recyclage.
- Le bois, comme toute matière issue de la biomasse, est un puit de carbone. Conserver le carbone biogénique sur des temps longs, grâce au réemploi ou au recyclage, va nous permettre de limiter les impacts du changement climatique.
- Le bois doit être privilégié en construction. C’est un matériau local, renouvelable, robuste, facile à travailler, et multifonctionnel.
Gaëtan Duyckaerts, Directeur Financier et Développement Industriel des Ateliers de l’Avenir, a ensuite enchainé sur la manière de valoriser le bois. L’entreprise « Les ateliers de l’avenir » existent depuis 40 ans. Des personnes en situation de handicap, principalement sourdes et malentendantes y travaillent. Cette entreprise se base sur un modèle à impact positif, centré sur l'humain et la ressource. Sa mission est de fournir un emploi durable, digne et valorisant.
Trois activités découlent de l’entreprise : le triage et la réparation de palettes, la construction de murs en bois et la menuiserie. Ils travaillent au quotidien pour que le bois de réemploi devienne la norme. L’entreprise se base sur l’échelle de Lansink qui est un principe de gestion des déchets qui privilégie la prévention des déchets, suivie du réemploi, du recyclage, de l'incinération avec récupération d'énergie et enfin de l’incinération et la mise en décharge. Ainsi, chaque déchet collecté est valorisé au maximum.
L'entreprise Les Ateliers de l'Avenir participe au projet Go-Circular de la Région Wallonne avec 5 objectifs :
- Objectif 1 :
Mise en place d’une ligne de tri et de démontage pour les palettes déclassées (CHEP)
Valorisation attendue : Récupération de 100 tonnes de bois de réemploi - Objectif 2 :
Mise en place d’une ligne de tri et ré-usinage pour les chutes de bois en menuiserie
Valorisation attendue : Production de blochets et de planches en bois massif pour remplacer
l’emploi de nouvelles matières premières - Objectif 3 :
Collecte externe de palettes pour éléments de réemploi
Valorisation attendue : Récupération de 100 tonnes de bois de réemploi - Objectif 4 :
Réintégration du bois de réemploi dans la réparation de palettes
Valorisation attendue : Minimiser l’utilisation de bois neuf en privilégiant le bois de réemploi - Objectif 5 :
Formation du personnel
Valorisation attendue : Développement de nouvelles compétences en interne
Il y a donc un grand potentiel pour que les déchets bois deviennent notre prochaine ressource au travers la collecte, le démontage, le tri, le stockage et la revalorisation. L’objectif sera de reconditionner des déchets bois pour les transformer en un nouveau produit utile et réintégrer des produits de réemploi dans la chaîne de production. Cela permettra d’allonger la durée de vie du bois grâce aux reconditionnement ciblé et à la standardisation des formats.
Laurie Verheyen Coordinatrice de la Stratégie Économie Circulaire (citydev.brussels) a présenté le projet Woodpark, un partenariat public-privé pour le réemploi du bois de construction qui est né d'une volonté de recentrer les activités sur la construction et le réemploi des matériaux bois à Bruxelles, en centralisant les acteurs existants. Il se positionne comme un facilitateur entre l’offre et la demande de matériaux bois de réemploi pour augmenter la circularité des matériaux au sein des chantiers bruxellois.
Il se matérialise à l’heure actuelle en deux ateliers, situés aux environs d’Anderlecht, qui seront équipés pour assurer les fonctions de stockage, préparation au réemploi, transformation, formation et développement de nouveaux produits (R&D). Lancé par le programme IRISPHERE, porté par citydev.brussels, il profite de partenariats avec des entreprises de terrain expérimentées comme MCB Atelier et BatiTerre.
Dans le projet Woodpark, l’entreprise d’économie sociale BatiTerre, s’occupe de la préparation au réemploi, du redimensionnement et de la valorisation des déchets ultimes. MCB Atelier transforme les matériaux les plus difficiles à commercialiser. Enfin les deux partenaires mettront des machines à disposition des professionnels pour l’organisation de formation focalisée sur le réemploi, d’ateliers de sensibilisation ou encore pour la création de projets spécifiques réemploi. La complexité du projet réside notamment dans des investissements de machines standardisant les procédés. La collaboration public-privé est essentielle, et les acteurs sont de plus en plus sensibles aux solutions de mise en place.
Pour Nicolas Smets, CEO de BatiTerre, il est crucial de développer l'offre et la demande pour assurer la pérennité du secteur, actuellement basé sur la bonne volonté des personnes convaincues. Il n’existe pas aujourd’hui d'obligation légale de réemploi. Un matériau de réemploi n'ayant pas de fiche technique, la question de la responsabilité juridique se pose. L'analyse des contraintes techniques est essentielle pour déterminer leur réelle nécessité (safe in circularity : maîtrise du démontage et du remontage). L'intégration de critères facilitant le réemploi dans les Cahiers Spéciaux des Charges (CSC) et les initiatives comme MCB ateliers (création de nouveaux produits intégrant le réemploi) sont des pistes prometteuses.
Annonce
Aujourd’hui, en Wallonie, il existe plusieurs voies de valorisation des déchets bois selon leur qualité. Qu’ils soient valorisés sous forme de chaleur, en panneaux,… les déchets bois trouvent toujours un usage dans nos régions.
Cependant, la valorisation du déchet bois n’a pas encore montré tout son potentiel et implique de se pencher sur plusieurs questions. Comment faire d’un déchet bois une ressource ? Quelles sont les principales contraintes et opportunités liées à cette valorisation ? Quelle chaîne de valeur créer en Wallonie pour avoir un impact majeur ?
Lors de cette rencontre-conférence, quatre acteurs tenteront de répondre à ces questions à partir de différents projets d’ores et déjà mis en œuvre dont celui du Woodpark, développé à Bruxelles, dont l’objectif est de faciliter l’offre et la demande de matériaux bois de réemploi.
Objectifs de Développement Durable
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