Orateur(s)
Robin Glaude Doctorant Ingénieur Géologue (Urban and Environmental Engineering, Faculté des Sciences Appliquées, ULiège)
Jean-Michel Compère Ingénieur Géologue, Membre du Conseil de Direction en Charge de la Gestion des Ressources en Eau (Compagnie Intercommunale Liégeoise des Eaux)

Climat et adaptation : le secteur de l’eau entre en résilience

Dans le cadre du Festival Nourrir Liège
    Résumé

    Robin Glaude, doctorant ingénieur-géologue (ULiège), a démarré cette rencontre-conférence en évoquant l’importance des eaux souterraines. En effet, celle-ci est la source majoritaire d’eau douce disponible propre à la consommation. Elle représente 289,9 millions de m3 en Wallonie. 

    Les systèmes hydrogéologiques doivent tendre vers l’équilibre. En effet, ce qui sort (l’eau sortante) doit être compensé par ce qui rentre (l’eau rentrante). Or, plusieurs évènements peuvent provoquer un déséquilibre : des connexions entre des bassins frontaliers, des pompages trop importants et des variations climatiques.

    Ces 20 dernières années, les scientifiques ont constaté une tendance à la baisse observée dans les niveaux des eaux souterraines. Celle-ci se justifie par l’évolution progressive des conditions climatiques en lien avec une augmentation des températures et, dans une moindre mesure, une baisse des précipitations qui conduit à une baisse de la recharge des nappes. 

    Dans un deuxième temps, Robin Glaude nous a expliqué une stratégie de gestion de l’eau, la recharge maîtrisée des aquifères. L’objectif est de stocker temporairement dans les aquifères des ressources en eau pour prévenir des effets du changement climatique et combattre les pollutions des eaux au travers de l’effet épurateur du sol et du sous-sol (Soil Aquifer Treatment). Il existe deux dispositifs de recharge maitrisée des aquifères, la recharge directe et indirecte. Ces dispositifs ont été illustré par Robin Glaude via des exemples : Orange County Water District en Californie et le traitement et infiltration de l’eau de la Seine à Pecq-Croissy.

    Il a conclu en nous présentant sa recherche doctorale qui s’axe sur l’étude de préfaisabilité de la recharge maîtrisée des aquifères en Hesbaye. Au niveau quantitatif, celle-ci porte sur les estimations de la recharge au travers du loess de Hesbaye par essais d’infiltration. Sa recherche montre que les vitesses d’infiltration sont suffisamment importantes pour pouvoir effectuer de la recharge maîtrisée des aquifères. Au niveau qualitatif, elle porte sur un échantillonnage d’eaux de ruissellement et analyse le comportement des contaminants rencontrés. Les résultats montrent que la campagne d’échantillonnage offre une meilleure vue d’ensemble quant à la présence ou non de contaminants dans les eaux de ruissellement de voirie et aéroportuaires, avec des plus fortes concentrations rencontrées en hiver. Aussi, les travaux de laboratoire permettent une meilleure compréhension des propriétés physico-chimiques des contaminants étudiés. De plus, il travaille actuellement à la modélisation numérique afin d’évaluer les risques de contamination des eaux souterraines.

    Jean-Michel Compère, membre du Conseil de Direction de la Compagnie Intercommunale Liégeoise des Eaux, en charge de la Gestion des Ressources en Eau, a poursuivi sur les propos de Robin Glaude en confirmant qu’il n’y avait pas globalement en Wallonie de stress hydrique mais qu’il fallait essentiellement anticiper sur des situations extrêmes. 

    Cette anticipation repose sur trois piliers : 

    • S’assurer de la résilience des ouvrages et des zones fonctionnelles de distribution

    Ce premier pilier repose sur une étude des Risques et Vulnérabilités Climatiques (ERVC) demandée par la Banque Européenne d’Investissements. Le périmètre de l’étude est le suivant : les ouvrages de captage, de traitement, de stockage et de distribution. Il comprend quatre étapes de planification :  identification des aléas climatiques pour chaque ouvrage, l’analyse de vulnérabilité, l’évaluation des risques et l’identification des capacités de maîtrise (analyse SWOT). 

    • Organiser la résilience de l’approvisionnement 

    Ce deuxième pilier est particulièrement important car il repose sur une meilleure répartition de la ressource, travail mené dans le cadre du SRRE (Schéma régional des ressources en eau) 1.0 et portant sur l’interconnexion de 4 grandes ressources en eau en région liégeoise afin d’exporter l’eau vers des régions de faibles ressources.

    De plus, ce pilier repose également sur la prise en compte des perspectives du changement climatique avec deux axes de travail permettant de mobiliser de nouvelles ressources :

    • la recherche de ressources naturelles encore exploitables comme les anciennes exhaures de charbonnages.
    • la promotion de la circularité du cycle de l’eau via la valorisation de l’exhaure des carrières en activité ; l’utilisation d’eau de steps (station d'épuration des eaux usées) pour des besoins domestiques, agricoles, industriels ou de services (REUSE) ; et le stockage de l’eau de pluie dans des réservoirs naturels. 

    Ce travail est mené dans le cadre du SRRE 2.0. Ces projets (parmi d’autres) sont en cours d’étude voire de développement dans le cadre du Plan de Relance de la Wallonie et de la mission déléguée de la SWDE.

    • Promouvoir une utilisation durable des ressources et organiser le partage de l’eau entre les différents usages

    Ce troisième pilier repose sur l’évolution des besoins en eau, la maîtrise de la consommation en eau et la gestion des stress hydriques et des crises. 

    Cette rencontre-conférence s’est clôturée par la fabuleuse histoire des terres de nuits, une proposition d’appliquer le principe REUSE à de la matière (en l’occurrence, la revalorisation de nos excréments/notre urine comme engrais ou fertilisant).

     

     

    Bien qu’étant loin d’être surexploitées, certaines nappes d’eaux souterraines importantes de Wallonie sont sujettes à une tendance à la baisse. Cette observation s’explique par la répétition des épisodes de sécheresses estivales et hivernales de ces dernières années, entraînant ainsi une baisse de l’infiltration naturelle des eaux pluviales. Les effets du réchauffement climatique sont donc devenus une réalité, déjà visibles sur nos ressources en eau.

    Gestion durable et partage des ressources en eau, priorisation des usages, maîtrise des consommations et anticipation des besoins, recherche de nouvelles ressources, conventionnelles et non-conventionnelles, valorisation des eaux d’exhaure, réutilisation des eaux usées et de ruissellement, seront les idées fortes qui devraient apporter à nos sociétés un brin d’Eau’ptimisme.

    Et, dans ce contexte, pourquoi ne pas utiliser nos sous-sols pour y stocker les eaux collectées durant les périodes pluvieuses ?
    En effet, la recharge maîtrisée des aquifères (RMA), inscrite dans le Plan de relance de la Wallonie, est identifiée comme une solution potentielle. Elle consiste à introduire de manière maitrisée de l’eau dans une nappe phréatique pour augmenter sa recharge naturelle en vue d’une utilisation ultérieure (stockage temporaire).
    Les travaux d’étude présentés porteront plus particulièrement sur l’effet du changement climatique sur l’aquifère crayeux de Hesbaye, la source principale d’eau potable en région liégeoise, ainsi que sur l’analyse de la préfaisabilité de la RMA en Hesbaye.

    Cette conférence sera l’occasion de présenter des solutions résilientes développées par le secteur de l’eau pour anticiper les effets du changement climatique et s’y adapter.