Orateur(s)
Gauthier Eppe Professeur Ordinaire (Faculté des Sciences, MolSys, ULiège)
Corinne Charlier Professeure Ordinaire (Faculté de Médecine, ULiège) et Cheffe du Service de Toxicologie Clinique, Médico-Légale, de l'Environnement et en Entreprise (CHU de Liège)
Xavier Drooghaag Product Developer (3B Fibreglass)
Introduction par le Professeur Pierre Duysinx (Faculté des Sciences Appliquées, Ingénierie des Véhicules Terrestres, ULiège)

Défis et solutions liés aux PFAS dans l’économie circulaire : l’expérience du secteur automobile

Dans le cadre d’un cycle de conférences organisé avec PAE-e-green
    Résumé

    La conférence, organisée dans le cadre du projet Pôle Européen Automobile PAE-e-green, s’intéressait à la problématique liée aux défis posés par les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) dans un contexte où le secteur automobile, dans son ensemble, subit de profonds changements (électrification, circularité, allègement des véhicules ..).

    Le Professeur Pierre Duysinx (Ingénierie des Véhicules Terrestres, Aérospatiale et Mécanique, ULiège), en entrée de conférence, a rappelé que l’introduction de nouveaux matériaux, comme les composites pour réduire le poids des voitures, peut potentiellement générer d'autres impacts environnementaux, dont des substances nuisibles.

    L'objectif de la rencontre était de rendre les participants conscients et vigilants face à ces pièges et de partager des stratégies pour éliminer ou réduire ces substances nuisibles, afin de retrouver les impacts vertueux que l’on cherche à atteindre avec la mobilité électrique, notamment.

    Gauthier Eppe, Professeur Ordinaire (Faculté des Sciences, MolSys, ULiège) a présenté les fondements de la problématique. Le fluor, élément de la 7e famille (halogènes), est « l'élément des extrêmes ». Il crée des liaisons carbone-fluor (C-F), les plus stables connues en chimie organique. Cette stabilité confère aux PFAS des propriétés exceptionnelles (superhydrophobicité, lipophobie) mais en fait également des « polluants éternels ». Ainsi l’un de leurs atouts majeurs, constitue simultanément la raison essentielle de l’actuelle problématique liées aux PFAS. On distingue les non-polymères (tensioactifs, toxiques et bioaccumulables) des fluoropolymères (généralement inertes).

    La définition de l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE, 2021), qui fait consensus aujourd’hui, inclut toute substance possédant « un atome de carbone méthyle ou méthylène entièrement fluoré (sans autre atome H/Cl/Br/I) soit, à quelques exceptions près, toute substance chimique contenant au moins un groupe méthyle perfluoré (-CF3) ou un groupe méthylène perfluoré (-CF2-). »

    Cette définition est très large et ne tient pas compte des propriétés chimiques ou toxicologiques (toxicité, persistance, bioaccumulation). Elle englobe des molécules d'usage courant comme l'antidépresseur Prozac, certains anti-inflammatoires, et des pesticides controversés (Flufenacet), s'ils contiennent un groupement. Bien que le potentiel théorique de PFAS sous cette définition atteigne 7 millions de substances, seulement environ 5000 ont été synthétisées ou utilisées industriellement.

    Les PFAS sont utilisés dans des applications essentielles (peintures médicales, high-tech, cathéters en Teflon) mais également non-essentielles (emballages alimentaires, maquillage waterproof, fart de ski), ces dernières étant progressivement interdites.

    Le Professeur Eppe a ensuite illustré et expliqué la diffusion des PFAS dans l’environnement. Les PFAS sont des substances anthropiques, ce qui implique donc que leur présence dans l’environnement est uniquement liée aux rejets industriels (rejets aqueux, rejets atmosphériques, boues d’épandage), à l’utilisation de produits contenant des PFAS ou des substances qui se dégradent en PFAS (tels que les mousses anti-incendie, les produits phytopharmaceutiques, le fart des skis) et aux déchets qui en contiennent également (objets électroniques, textiles, dispositifs médicaux, peintures…).

    La pollution est diffuse (via textiles, emballages, pesticides) ou localisée (sites industriels comme 3M). Le phénomène d'« effet sauterelle » explique leur présence, par ex. dans l'Arctique, loin des sources d'émission, par le passage en phase gazeuse et ensuite son déplacement.

    L'Acide Trifluoroacétique (TFA), le plus petit des PFAS, est une préoccupation croissante, sa concentration augmentant dans les eaux souterraines et les carottes glaciaires. La source principale du TFA est la dégradation atmosphérique (sous UV) des fluides réfrigérants (hydrofluoro-oléfines ou HFO) de quatrième génération, avec un rendement de production de 100%.

    Corinne Charlier, Professeure Ordinaire (Faculté de Médecine, ULiège) et Cheffe du Service de Toxicologie Clinique, Médico-Légale, de l'Environnement et en Entreprise (CHU de Liège), a ensuite détaillé les impacts sur la santé.

    L’homme est contaminé par les trois voies classiques : orale (la plus efficace, avec 100% d'absorption via l'eau ou la nourriture contaminée comme les poissons, légumes, viandes), pulmonaire (via l'inhalation de poussières contaminées par des PFAS, notamment en milieu industriel), et cutanée (moins documentée, mais possible via les cosmétiques waterproof par exemple).

    Une fois absorbés, les PFAS sont extrêmement stables et circulent dans le sang lié à l'albumine. Leur élimination urinaire est très lente.

    Les effets toxiques sont reconnus sur plusieurs systèmes, principalement via un mécanisme de perturbation endocrinienne :

    1. Pour le système immunitaire : Effets immunosuppresseurs, entraînant une moins bonne réponse aux vaccins et une sensibilité accrue à l'asthme et aux maladies infectieuses.
    2. Pour la thyroïde : Le PFOA peut causer l'hypothyroïdie chez la femme.
    3. Pour le métabolisme : Le PFOS et le PFOA augmentent le taux de cholestérol (LDL), augmentant le risque cardiovasculaire et sont soupçonnés d'accroître le risque de diabète de type 2.
    4. Pour les femmes enceintes, il y a une contamination maternelle associée à un faible poids du nouveau-né à la naissance et à un risque accru d'hypertension gravidique et de prééclampsie.

    Le Centre international de recherche contre le cancer (OMS) a classé le PFOA depuis 2023 dans le Groupe 1 (cancérogène avéré chez l'homme) pour les cancers du rein et des testicules. Le PFOS est classé dans le Groupe 2B (possiblement cancérogène).

    Le Conseil scientifique indépendant (CSI) wallon a établi des valeurs de référence pour le biomonitoring sanguin en combinant les critères allemands et les critères de tous les types de PFAS. Ces seuils permettent de donner des conseils de santé aux patients.

    Avant de passer au partage d’expérience d’une entreprise ayant été confrontée à une problématique PFAS dans son processus de fabrication, Gauthier Eppe a clôturé la partie scientifique en pointant que les pollutions aux PFAS sont insidieuses (en effet, invisibles, inodores, sans goût dans l'eau).

    L'absence initiale de détection en Wallonie était un défaut de mesure qui a conduit à une crise coûteuse. La décontamination est extrêmement complexe. Le charbon actif n'est qu'un déplacement de problème et est inefficace contre les PFAS à chaîne courte comme le TFA. Les techniques de piégeage comme l'osmose inverse ne sont pas applicables à grande échelle, et le reconditionnement du charbon actif à très haute température risque de générer des gaz toxiques.

    Ce phénomène de « substitution regrettable » (PFOA substitué par GenX, potentiellement aussi toxique, voire plus) conduirait à un appel pour abandonner l'approche substance par substance afin de réglementer plutôt par famille de molécules, en définissant le caractère essentiel de leur usage.

    Et de conclure en plaidant notamment pour que, dans le secteur automobile, alors que l’on cherche à développer des électrolytes performants pour batteries (comme les perfluorosulfonimides) , il y ait un encadrement strict et une analyse complète du cycle de vie, y compris le recyclage, pour prévenir toute pollution future.

    Xavier Drooghaag, Product Developer (3B Fibreglass) a ensuite présenté l'expérience de son entreprise dans la mise en évidence puis la résolution d’une émission de PFAS dans son procédé de fabrication de fibres de verre utilisées dans l’industrie automobile.

    Ce compte-rendu a été rédigé avec l’aide de l’IA.
     

    L’industrie automobile doit aujourd’hui relever plusieurs défis majeurs afin d’améliorer son empreinte environnementale globale. L’électrification et l’allègement des véhicules incitent les constructeurs à se tourner vers les matériaux composites thermoplastiques renforcés par des fibres de verre, spécialement adaptés pour répondre aux différentes contraintes technologiques comme la résistance à l’hydrolyse ou à la température, tout en garantissant des performances mécaniques suffisantes pour un poids plus faible que l’aluminium. Les fabricants de fibres de verre proposent désormais de nouvelles générations de fibres, plus performantes et produites avec des ingrédients plus respectueux de l’environnement.

    Alors que les évolutions dans le secteur automobile, comme dans beaucoup d’autres, ouvrent la voie à une meilleure circularité, elles mettent aussi en lumière de nouveaux défis : le recyclage des matériaux peut générer des émissions indésirables, comme celles de substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS). 
    Cette rencontre-conférence illustrera concrètement ces enjeux à travers l’exemple de la société 3B Fibreglass, qui a mis en évidence puis résolu une émission de PFAS dans son procédé de fabrication de fibres de verre utilisées dans l’industrie automobile.

    Entre partage d’expériences positives pour développer des solutions de substitution et éclairage sur la problématique plus large de la libération de composants nocifs dans l’atmosphère et celle de la toxicité éventuelle pour l’Homme, ce regard croisé entre scientifiques et industriels offrira une occasion de débattre ensemble de la recyclabilité des matériaux à l’aune de ces nouveaux défis.


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