Orateur(s)
Elodie Naveau Mandataire en Brevets Européens et Gestionnaire PI (RISE, ULiège)
Pascal Leroy & Stijn Lagaert Mandataires en Brevets Belges et Européens (Cabinet GEVERS)
Benoît Granier Directeur Général (Unisensor)

La brevetabilité dans le cas des méthodes thérapeutiques et de diagnostics

    Résumé

    Elodie Naveau, Mandataire en brevet européen et Gestionnaire PI chez RISE, ULiège, a introduit la thématique en posant divers éléments de contexte.
    La science évolue ; il y a de nombreuses nouvelles connaissances mais aussi de plus en plus d’interdisciplinarité. Aussi, la façon de diffuser la science, au travers de l’open science / open access a changé, avec, en outre, l’évolution des coûts y relatifs.
    Le monde des brevets est également en pleine évolution, tenant compte des nouvelles frontières de la science, dont il est témoin (50 ans de la Convention du brevet européen, nouvelles directives relatives à l’examen, jurisprudence...).

    Dans la brevetabilité des méthodes thérapeutiques et de diagnostic, il est très important de faire la distinction entre utilisation médicale et non médicale. À titre d’exemple, pour illustrer cette subtilité, Elodie Naveau a donné le cas d’une revendication d’un dispositif permettant, notamment, l’application non-médicale (cosmétique) d’un champ électrique sur la peau.

    Pascal Leroy et Stijn Lagaert, Mandataires en Brevets Belges et Européens au Cabinet GEVERS, ont ensuite comparé les principes généraux de brevetabilité des méthodes de traitement thérapeutique et de diagnostic, en Europe et aux États-Unis.

    En préambule, ils ont insisté sur le caractère essentiel, dès le départ, lors d’un dépôt de brevet, de prévoir les différentes formulations conformes, en fonction des pays dans lesquels on souhaite protéger par brevet.

    En Europe, par exemple, Pascal Leroy, nous a expliqué qu’un brevet ne peut pas être délivré pour les méthodes de traitement thérapeutique du corps humain ou animal, la raison étant de ne pas empêcher les médecins de pratiquer.
    Cette disposition ne s’applique pas aux produits, notamment aux substances ou compositions, pour la mise en œuvre de ces méthodes : les brevets seront alors délivrés pour les produits utilisables dans les méthodes de traitement thérapeutique du corps humain ou animal.
    En outre, une substance ou une composition déjà connue pour avoir été utilisée dans le cadre d’une « première utilisation médicale » peut être brevetable pour toute deuxième utilisation ou pour toute utilisation ultérieure sous réserve que l’utilisation soit nouvelle et inventive.
    On peut donc faire porter la protection sur la molécule ou les substances mises en œuvre et non sur la méthode de traitement en tant que telle.

    Les brevets ne sont pas non plus délivrés pour les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal. Les brevets sont délivrés pour les produits utilisables dans les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal mais toute interaction directe avec le corps humain est exclue, par exemple, un prélèvement sanguin.

    Aux États-Unis, Stijn Lagaert a expliqué que si une méthode de traitement médical satisfait aux critères de nouveauté et de non-évidence, elle sera alors éligible à la protection par brevet. Il souligne cependant que même si le principe général est similaire, des différences existent. L’Office des Brevets (USPTO) y autorise notamment les revendications de méthode de traitement mais exempte de contrefaçon de brevet l’exercice d’une activité médicale par un médecin.
    Il n’existe aucune exclusion concernant la brevetabilité des méthodes de diagnostic aux États-Unis mais la situation est beaucoup plus compliquée, de par l’interprétation des lois par la Cour Suprême. Les problèmes possibles sont principalement liés à l’exclusion de la brevetabilité des « lois de la nature et des phénomènes naturels ».

    Le degré de preuve requis pour décrire l'activité inventive a ensuite été abordé.
    En Europe, l'invention doit être exposée dans la demande de brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. Il y a lieu d'indiquer en détail au moins un mode de réalisation de l'invention. Un seul exemple peut suffire. L'exposé de l'invention ne peut être reconnu comme étant suffisamment clair et complet si l'homme du métier, pour reproduire le résultat de l'invention, doit procéder par tâtonnements en ayant peu de chances de réussite.

    Benoît Granier, Directeur Général de Unisensor, spin-off de l’ULiège spécialisée dans l'ingénierie diagnostique appliquée aux secteurs agroalimentaire et vétérinaire, a ensuite partagé son point de vue de terrain et exposé la brevetabilité au sein de son entreprise.

    Unisensor possède 5 familles de brevets mais la stratégie de protection de l’entreprise n’est pas uniquement liée aux brevets. Citons aussi les contrats de distribution, les marques déposées et les modèles d’utilité.
    L’entreprise innove par différentiation, c’est à dire qu’elle se démarque de ses concurrents en apportant des solutions plus complètes que celles qui existent sur le marché et optimise non seulement ses produits mais vise également à redéfinir le secteur.

    Benoît Granier a rappelé les critères principaux à considérer pour que les inventions soient brevetables : être nouveau, avoir une application industrielle et être non-évident (caractère inventif), ce qui représente le critère le plus difficile à rencontrer.

    Il a ensuite cité les règles suivies en la matière au sein de son entreprise et expliqué la procédure suivie pour le dépôt du brevet "Extenso".

    Pour conclure sur la brevetabilité des méthodes de diagnostic, Benoît Granier a relevé les points suivants :

    • Subjectivité au regard de l’activité inventive ;
    • Complexité qui demande l’aide d’experts ;
    • Très chronophage et énergivore ;
    • Risque de ne jamais obtenir le brevet ;
    • Coût élevé (hors déduction fiscale) ;
    • Importance de regarder les intérêts secondaires (les brevets font partie de l’image de marque de l’industrie).

    Retrouvez ci-dessous les slides de la présentation :

    La brevetabilité dans le cas des méthodes thérapeutiques et de diagnostics de LIEGE CREATIVE

    Le secteur des Sciences du vivant est en pleine expansion en Wallonie, en particulier dans les domaines du diagnostic et du développement de thérapies. Si une position forte en matière de brevets est essentielle dans ces domaines d’activité, notamment pour assurer un retour sur investissement et pour convaincre les investisseurs, certaines complications peuvent être rencontrées en termes de brevetabilité.

    Lors de cette rencontre-conférence, des mandataires en brevets du cabinet GEVERS et une entreprise du secteur discuteront des aspects fondamentaux tels que le degré de preuve nécessaire et les différences observées entre les procédures en Europe et aux Etats-Unis, ceci avec pour objectif de construire un portefeuille de brevets solide.


    Une visite du Légia Park sera organisée, de 14h à 15h, pour les participants qui le souhaitent.