Orateur(s)
Cédric Danse Assistant (Faculté de Psychologie, Logopédie et Sciences de l'Éducation, ULiège) et Psychosociologue des Organisations (Pragmagora)
Véronique Graff Directrice Générale (GreenWin)
Gergely Madaras Directeur Musical (Orchestre Philharmonique Royal de Liège)
Michel Moutschen Vice-Recteur à la Recherche (ULiège)
Jean-Christophe Peterkenne Directeur Général (GRE-Liège)
Amel Tounsi Chief Executive Officer (Bridge To Health)

La force du collectif, un véritable levier d'action

Conférence de clôture de saison
    Résumé

    Pour clore notre 12ème saison, nous avons réuni un panel d’intervenants autour du thème « la force du collectif ». Didier Mattivi, Directeur de RISE (ULiège), a introduit les échanges en rappelant que c’est le sens, l’objectif, que l’on donne au collectif qui permet de transcender les individus (pour faire mieux que la simple somme des parties). Redonner du sens au collectif au sein de notre société est un levier pour passer à l’action.

    Gergely Madaras, Directeur musical de l’Orchestre Philarmonique Royal de Liège (OPRL), nous a expliqué pourquoi un orchestre est une bonne analogie pour un écosystème collaboratif, à travers plusieurs mots-clés :

    • La diversité : l’orchestre de l’OPRL regroupe des musiciens de plus de 15 nationalités/cultures différentes, provenant d’écoles différentes. On y retrouve un mélange de générations, un mélange d’instruments, un carrefour de sonorités différentes;
    • L’interpénétration : pour une collaboration qui dure entre les musiciens, grâce au partage d’une fierté collective et grâce à la motivation de s’améliorer collectivement pour le public (c’est notre responsabilité envers lui);
    • La compétition constructive : il y a une hiérarchie stricte dans un orchestre mais il faut être ouvert aux idées de tous, pouvoir créer un aller-retour entre les musiciens et avec la hiérarchie;
    • Du local ou global : l’orchestre est liégeois mais aussi belge, européen et international.

    Le but de l’orchestre est de jouer en harmonie en canalisant les talents et énergies individuels en faveur de l’harmonie du collectif.

    Jean-Christophe Peterkenne, Directeur général du GRE-Liège, a ensuite présenté la nouvelle stratégie « Liège Cap 2030 ». Après avoir rappelé l’histoire de la création du GRE-Liège, Jean-Christophe Peterkenne a souligné l’importance de repenser la manière de nous projeter au vu du nouveau contexte dans lequel nous évoluons (digitalisation, crise climatique, croissance démographique, problèmes énergétiques et géopolitiques). Il a effectué un premier diagnostic de la Province de Liège qui a fait ressortir que ce territoire :

    • Est un lieu important de production de richesses;
    • Est innovant (avec, entre autres, ses centres de recherche et son université qui participent à créer l’émulation);
    • Présente des polarités urbaines, qui s’articulent notamment autour d’institutions culturelles;
    • A un taux de diplômés qui progresse moins qu’ailleurs, ainsi qu’un taux d’emploi et un niveau de revenu moyen en dessous des moyennes belges.

    Pour Jean-Christophe Peterkenne, dans un collectif, chacun a un rôle à jouer, ne serait-ce que par son adhésion au projet. La proposition formulée par le GRE-Liège (afin de définir un cap vers où aller) est de faire de Liège une métropole triple A, pour :

    • Augmenter le taux d’emploi (en identifiant ce qu’on peut faire pour que chacun s’intègre dans la société);
    • Accroître son attractivité (pour se détacher des images et de la réalité pesante de notre passé industriel);
    • Accélérer la transition vers une économie décarbonée (qui irrigue tous les pans de notre société et doit être considéré comme une opportunité).  

    L’ambition du projet collectif du GRE-Liège est ainsi de faire de Liège une de métropoles européennes de la connaissance et des savoirs. Malgré les défis, nous ne devons pas avoir peur ne nous affirmer comme tel, au vu de l’accumulation de savoirs et de savoir-faire sur notre territoire. Le GRE-Liège prévoit de se lancer dans la réalisation de projets concrets en septembre-octobre 2023 mais, précise Jean-Christophe Peterkenne, sans le collectif, nous n’y arriverons pas.

    La suite des interventions a eu lieu au sein du panel et s’est articulée autour de deux grandes questions : l’apport du collectif et ses tensions (à travers l’aspect de la compétition).

    Pour Michel Moutschen, Vice-Recteur à la Recherche (ULiège), le collectif crée soit du neuf soit du consensus. La question est donc de trouver quels ressorts activer pour, au-delà de l’adhésion à un plan commun nécessaire à sa mise en place, permettre la créativité au sein du collectif. En effet, les actes de création sont souvent individuels et créer implique de prendre un risque, une décision. Il faut donc utiliser une méthodologie spécifique pour permettre à la créativité d’émerger dans un collectif. Michel Moutschen a donné l’exemple de l’apprentissage par problèmes, qu’il a expérimenté comme professeur à l’université et qui montre que le travail en collectif ne va pas de soi et nécessite une méthodologie pour réaliser des allers-retours entre individu et collectif. Le collectif reste complexe mais une des clés se trouve dans la diversité des profils (interdisciplinarité…).

    Amel Tounsi, Chief Executive Officer de Bridge To Health (B2H), est d’accord sur le fait qu’un collectif doit être pensé, structuré. C’est le cas de B2H, un collectif qui crée le lien entre des structures actives dans les sciences du vivant à Liège pour être compétitif (et briller à l’international) et fournir des solutions en santé. B2H se structure autour de 3 axes : faire savoir qu’on a atteint le niveau d’excellence ; attirer des personnes et faire de Liège un terreau fertile et accueillant ; continuer à être compétitif (en faisant le bilan de ses forces et faiblesses pour ensuite trouver des solutions). Amel Tounsi rappelle aussi l’importance de trouver la partition (le but ultime commun) la plus adaptée au groupe pour pouvoir rêver ensemble.

    À une autre échelle territoriale (Région wallonne), Véronique Graff, Directrice générale de GreenWin, a rappelé la spécificité de ce pôle de compétitivité axé sur le domaine de la Cleantech et qui rassemble aussi bien des centres de recherche que des universités, des entreprises ou encore des centres de formation, pour travailler autour de projets stratégiques et développer des innovations collaboratives. Le défi du pôle est aussi de créer les partitions (les projets) sur lesquelles le collectif va travailler, grâce à différentes méthodes (idéation, hackathon…). GreenWin est impliqué dans l’écriture, le développement et la valorisation des projets sur le marché. Ceux-ci sont de petite à grosse ampleur (européenne), parfois porté par un consortium important sur 4-5 ans et parfois structurants (portefeuilles de projets), comme REMIND Wallonia (mise en place d’un pôle wallon du minéral) ou HECO2 (décarbonation de l’industrie lourde wallonne).

    Un tour de réactions a nourri ces premiers partages :

    • Attention à ne pas s’engager dans une guerre de territoire. Il faut revendiquer sa singularité mais ne pas oublier que l’on fait toujours partie d’un ensemble plus vaste. B2H est un exemple de réussite, cité à l’étranger. Grâce à l’intelligence collective, on peut anticiper ce qui est important pour innover dans un monde à risque (Jean-Christophe Peterkenne).
    • Un groupe hétérogène (aux sensibilités variées) est plus réactif et efficace face aux défis. D’où l’intérêt d’organiser la diversité pour être plus performant (Amel Tounsi).
    • Un lieu qui favorise les interactions est important. La structure des bâtiments importe pour permettre aux gens de se croiser ou de circuler facilement d’un lieu à l’autre. La pression peut aussi être moteur de créativité (avoir un challenge perceptible, une deadline). C’est le cas pour l’orchestre qui joue devant un public (Michel Moutschen).
    • On joue effectivement mieux devant un public (qui a des attentes) car cela permet de savoir comment canaliser l’énergie. C’est aussi important d’être ouvert, pour être prêt à réagir en cas de problème (Gergely Madaras).
    • Le présentiel est aussi important, on est plus performant dans la sélection d’idées créatives (Véronique Graff).
    • Il est nécessaire d’avoir un lieu où les entreprises peuvent atterrir, grandir, se rencontrer, comme le LégiaPark pour B2H (Amel Tounsi).

    Les intervenants du panel se sont ensuite penchés sur la question de la compétition au sein d’un collectif.

    Amel Tounsi voit l’aspect positif de la compétition quand elle est constructive. Être face à un bon adversaire, cela nous motive, nous challenge (peu importe le domaine) dans le bon sens. En revanche, face à la compétition d’égos, le rôle du « chef d’orchestre » est d’être réceptif, de déminer, ... et de rappeler toujours la mission commune, le rêve commun.

    Michel Moutschen fait le constat que le système actuel dans les universités reste basé principalement sur la performance individuelle (importance du premier auteur, par exemple). Cette dynamique peut être perçu comme un frein à la démarche collective tout comme la façon classique d’évaluer le chercheur qui peut être un frein à la créativité et à la collaboration. Mais certaines initiatives vont dans le sens d’un changement (par exemple le manifeste CoARA qui évolue aussi la collaboration du chercheur). Michel Moutschen a aussi évoqué le jeu, qui est un mode d’interaction qui concilie compétition et créativité (exemple de l’impro).

    Gergely Madaras a partagé la manière dont on évalue le meilleur candidat au premier violon : d’abord une évaluation individuelle devant un jury (en plusieurs rounds, derrière un paravent) puis 6 mois de période d’essai pour voir si cela fonctionne bien avec le groupe et enfin une évaluation finale devant un jury avec le groupe.
    Véronique Graff a parlé de la sélection des projets suivant une méthodologie précise (avec plusieurs critères à évaluer, étapes à passer… avant l’étape du jury du gouvernement) et de la compétition intra-projet qu’il faut dépasser en passant en mode collectif, trans sectoriel et transdisciplinaire. Aussi, au sein du projet, chaque acteur doit prouver qu’il va performer individuellement.

    Jean-Christophe Peterkenne s’est exprimé sur le choix des futurs projets du GRE-Liège. La sélection sera collective et l’élément essentiel est que le projet doit être structurant (permettre de changer d’échelle, de comportement, d’être innovant…). Nous devons être portés par une série de projets auxquels nous raccrocher, qui nous donnent de l’espoir, du réenchantement. Un autre point d’attention sera que les projets englobent au maximum la population.

    Enfin, Cédric Danse, Assistant (ULiège) et Psychosociologue des organisations (Pragmagora), a conclu les échanges par quelques enseignements et pistes pratiques, illustrés par de nombreux exemples.

    Un collectif est d’abord un rassemblement, un assemblage d’humains et de non-humains. Ce n’est pas facile de travailler en collectif, de collaborer car ce n’est pas spontané. Il faut de la structure. Parfois l’individu souffre ou ne se retrouve pas dans le collectif. Donc, si la force du collectif est un véritable levier d’action, quel levier d’action peut-on mettre en œuvre pour renforcer le collectif ?

    • Tout collectif a besoin de variété (de compétences, de profils, d’objectifs, de maîtrises, de sensibilités…). La variété est au cœur de tout système.
    • Concurrence entre projets, différence en termes de besoins/ressources, inadéquation entre les procédures et les démarches (tout ne marche pas avec tout le monde) … La variété est souvent source de tensions.
    • L’équilibre est instable et il faut toujours redéfinir/repréciser la partition (l’objectif commun), nourrir et gérer la variété du collectif pour lui permettre de contribuer à ses objectifs.

    Quelques pistes pour gérer au mieux :

    • Piloter un collectif par sa finalité : rappeler sans cesse à quoi le collectif contribue, savoir pourquoi on est là ;
    • Inclure de la variété dans le collectif (voir plus haut);
    • Permettre en permanence une forme de réappropriation : laisser un espace de traduction, déclinaison, personnalisation du travail par les membres du collectif;
    • Offrir un espace dialogique : échanger autour des critères d’un travail bien fait, de ce qui constitue notre priorité…;
    • Oser contraindre : une deadline, par exemple, est une contrainte. Oser contraindre n’est pas antinomique avec un espace de dialogue. Agir dans un collectif, c’est aussi réprimer en partie des initiatives ou envies individuelles au nom du collectif;
    • Aller rechercher l’information et le feedback là où elle/il se trouve : cela permet de se réguler en permanence en fonction des retours ;
    • S’appuyer sur des relais et enrôler : la qualité du réseau et l’étendue des relais sont primordiales pour la survie du collectif;
    • Ritualiser : mettre en place des dispositifs, des espaces, pour rythmer les moments de travail;
    • Reconnaitre pleinement les éléments non-humains du collectif : par exemple, Liège, ce n’est pas que les liégeois mais aussi les bâtiments, les institutions culturelles, etc. Ces éléments s’expriment, attirent du monde, ont une structure qui favorise la créativité.

    Cédric Danse a évoqué deux types de leadership : le leadership transformationnel (le visionnaire) et le leadership transactionnel (au plus près des gens, sensible aux besoins au sein du collectif).

    Jean-Christophe Peterkenne a donné le mot de la fin et retient de cette soirée qu’il faut cultiver les trois valeurs suivantes : l’ambition (la volonté de se tirer vers le haut), l’humilité et l’enthousiasme.

    Pour proposer des projets pour Liège Cap 2030 : cliquez ici.

    Retrouvez ci-dessous les présentations de la rencontre :

    La force du collectif, un véritable levier d'action from LIEGE CREATIVE

    Comment et pourquoi grandir collectivement ? Comme le dit le proverbe, « Seul on va vite, ensemble on va plus loin ». Au-delà de cette expression, œuvrer collectivement peut être un véritable levier pour rendre possible nos projets/entreprises et agir durablement sur notre société.

    À l’occasion de notre conférence de clôture de saison, nous vous proposons de mettre la valeur du collectif au cœur des échanges.

    À l’heure où les enjeux de transformation sont considérables, à toutes les échelles, les intervenants que nous avons réunis nous inspireront à partir de leurs propres domaines d’action. Que ce soit au niveau du rôle de la recherche, dans le maillage (inter)-sectoriel, pour la transformation du territoire ou au service d'une œuvre, chacun mettra en avant l’importance et les bienfaits du collectif pour atteindre une ambition commune.

    Cette soirée sera aussi l’occasion de revenir sur  la nouvelle et ambitieuse démarche collective du GRE-Liège, dénommée « Liège, Cap 2030 » qui propose à tous les acteurs liégeois de se mobiliser autour de 3 grands objectifs : l’emploi, l’attractivité et la transition vers une économie décarbonée.

    Ensemble, nous explorerons les ressorts de l’action collective. Et si elle était la clé pour relever les défis complexes en créant de réelles opportunités de développement ?

    Programme de la soirée :
    • 17h30 : Accueil
    • 18h00-20h00 : Rencontre-conférence
    • 20h00 : Drink