Orateur(s)
Eric Haubruge Professeur (Gembloux Agro-Bio Tech)
Marco Martiniello Directeur du CEDEM (ULiège)
Saïd Sheikh Hasan Porteur de projet culinaire

Les fonctions sociales de l’alimentation

Dans le cadre du Festival Nourrir Liège
    Résumé

    Proposée dans le cadre du Festival Nourrir Liège, cette rencontre-conférence nous a permis d’appréhender le rôle socio-culturel de l’alimentation sous différents angles, à travers trois exposés complémentaires.

    Le Professeur Eric Haubruge (Gembloux Agro-Bio Tech) a commencé par nous parler du lien intime qui nous relie à la nourriture à travers le souvenir. Notre mémoire guide nos choix en matière d’alimentation. La mémoire des aliments est reliée à la mémoire à long terme et à celle de nos sens : odorat, goût et vision. Lors d’un repas, à la fois la mémoire sémantique (du savoir et de la connaissance) et la mémoire épisodique (de nos souvenirs personnels) interviennent.

    Eric Haubruge a ensuite fait le lien entre l’évolution de l’espèce humaine et de son mode de vie et sa relation aux aliments. Le passage à un mode de vie d’agriculteur sédentaire a modifié cette relation. Ainsi, au fil du temps, l’homme a sélectionné et domestiqué seulement une douzaine d’espèces de plantes, qui représentent 80 pourcent de notre alimentation végétale aujourd’hui. Le génome humain s’est également adapté pour faciliter la consommation des produits de l’élevage, comme le lait.

    Des expériences avec nos cousins les grands singes, qui préfèrent également le goût des légumes cuits aux crus, montrent que nos interactions avec la nourriture remontent à nos origines. Il est cependant difficile de retracer précisément les comportements alimentaires de nos ancêtres. On sait néanmoins que nous sommes passés d’un régime végétarien à un régime omnivore à dominante carnivore. L’apparition de la cuisson (et donc de la cuisine), avec la maîtrise du feu, a été primordiale dans cette évolution et a également permis à notre corps de fournir plus d’énergie à notre cerveau (en diminuant la taille de nos intestins).  Eric Haubruge a terminé sa présentation en rappelant qu’au cours de l’histoire humaine, la cuisine est devenue un des ciments de la vie sociale, à travers le partage de nourriture au sein d’une communauté.

    Saïd Sheikh Hasan, Syrien immigré en Belgique depuis 2015, nous a ensuite partagé son expérience personnelle. Après avoir appris le français en arrivant en Belgique, il s’est formé en marketing à HEC-Liège et s’est fait accompagné par la structure Interra. Passionné de cuisine, il a choisi de se lancer comme traiteur car la cuisine a été pour lui un véritable facteur d’intégration qui lui a permis d’être plus proche des Belges. Ainsi, il nous a présenté son projet « BelSy – voyage gastronomique » autour de la cuisine et de la culture syrienne.

    Marco Martiniello, directeur du CEDEM (Centre d’Etudes de l’Ethnicité et des Migrations) de l’ULiège, nous a ensuite partagé quelques éléments de réflexion sur l’alimentation et la cuisine dans le cadre du contexte migratoire et post-migratoire. Il a nourri ses propos de nombreux exemples et a introduit son sujet en évoquant des souvenirs familiaux liés à l’immigration italienne en Belgique. Il a abordé l’alimentation et la cuisine en tant que marqueurs identitaires forts. D’un côté, on cherche à préserver et transmettre les recettes et traditions culinaires et de l’autre, celles-ci changent forcément avec le temps.

    Marco Martiniello s’est ensuite focalisé sur les lieux d’achats (marchés, épiceries spécialisées…) et de consommation (restaurants) qui peuvent être de véritables espaces de sociabilité et de rencontres intra et intercommunautaires, parfois très recherchés. Aussi, les restaurants et la diversité de leur offre culinaire peuvent être un indicateur de la multiculturalité en milieu urbain. Certains restaurants fusionnent même des cuisines de différentes origines (l’afrosian cuisine, par exemple).

    Marco Martiniello a rappelé que les cuisines des immigrées ou « ethniques » peuvent être discriminées et jugées inférieures par rapport à la gastronomie nationale du pays. Cependant, celles-ci sont progressivement reconnues et parfois intégrées dans la cuisine et la gastronomie nationale (par exemple en Allemagne avec le Döner Kebab). Enfin, l’orateur a présenté l’alimentation et la cuisine comme vecteurs privilégiés d’accès à l’entrepreneuriat. En effet, face à la discrimination sur le marché de l’emploi, un projet de restaurant/traiteur peut être une solution de repli lorsque le projet initial ne se concrétise pas. La diversité des cuisines mène aussi à des marchés globaux de produits de bouche.

    Retrouvez ci-dessous les slides de la présentation :

    Depuis les origines, l’alimentation (et l’agriculture) a joué un rôle déterminant dans l’évolution de l’homme et dans la structuration de la société. Aujourd’hui encore, on peut l’appréhender sous différents angles, dont son rôle socio-culturel.

    Au départ de l’expérience personnelle de Saïd Sheikh Hasan, belgo-syrien diplômé en marketing à HEC-ULiège, qui lance son projet de « voyage gastronomique » autour de la cuisine et de la culture syrienne, cet évènement nous permet de poser un regard sur les fonctions sociales de l’alimentation. Facteurs de développement mais aussi vecteurs de sociabilité, la nourriture et la cuisine évoluent, parallèlement aux flux migratoires.

    Dans le cadre de Nourrir Liège, nous nous interrogerons, avec le Professeur Eric Haubruge (Gembloux Agro-Bio Tech) et Marco Martiniello, directeur du CEDEM (Centre d’Etudes de l’Ethnicité et des Migrations) de l’ULiège sur cette question : Au-delà du plaisir gustatif qu’elle suscite, quels sont les impacts de l’expérience culinaire à l’échelle individuelle mais aussi de la société ?

    À l'issue de la conférence, les participants auront l'occasion de découvrir et déguster la cuisine syrienne, sur la Place Cathédrale.

     

    Consultez le programme complet de Nourrir Liège