Orateur(s)
Tania Noël Chercheuse en Psychologie Sociale (PsyNCog, Faculté de Psychologie, Logopédie & Sciences de l'Éducation, ULiège)
Julie Strée Coordinatrice du Schéma de Développement Communal (Ville de Liège)

Les villes "quart d'heure" comme amélioration de la qualité de vie

    Résumé

    Julie Strée, Coordinatrice du Schéma de Développement Communal de la Ville de Liège, a débuté cette conférence en introduisant le concept des « villes du quart d’heure », ou ville des courtes distances, dans laquelle tous les besoins essentiels sont accessibles en un court trajet à pied ou à vélo. Retenons les principes suivants :

    • La ville des courtes distances replace le quartier comme lieu de sociabilité et de vie et l’humain et ses besoins au centre des préoccupations des politiques urbaines ; 
    • L’objectif est d’en finir avec la ville fragmentée qui induit de nombreux déplacements motorisés ;
    • Il s’agit d’agir sur les inégalités socio-spatiales présentent dans les villes (tous les quartiers ne bénéficient pas des mêmes aménités) ;
    • Les notions de « proximité » et « d’accessibilité » sont centrales mais il y a également des enjeux de « mixité » dans les fonctions présentes et « d’hybridité » des usages pour des quartiers plus résilients ;
    • La ville des courtes distances est souvent « déjà là » et nécessite des interventions ciblées sur l’espace public et les programmations notamment ;
    • C’est un concept qui s’inscrit dans un urbanisme de la ressource (valoriser l’existant et amplifier les usages) et un urbanisme bas-carbone (limiter les déplacements carbonés).

    Elle a également brièvement présenté quelques déclinaisons possibles de ce concept à la mode, à Paris, Bruxelles et Barcelone, avant d’aborder l’application de ce concept à Liège.

    La Ville de Liège a adopté, en février dernier, un projet de territoire, vision d’avenir et de transition qui fixe les orientations stratégiques de l’aménagement et du développement du territoire des prochaines années. Il définit une organisation spatiale du territoire entre lieux à préserver et lieux à développer, identifie des sites à enjeux avec des recommandations pour une mise en œuvre dès maintenant et dans la durée.

    Cette étude, qui a duré 3 ans, est le résultat d’une démarche innovante basée sur des expertises croisées et un dispositif participatif inédit. Pour alimenter les réflexions, la ville a fait appel à trois équipes d’urbanistes-paysagistes pour étudier le territoire sous des angles d’approches différents. Pour appréhender les besoins de proximité, les approches ont également été alimentées par le regard de la fabrique urbaine (groupe mis sur pied dans le cadre de l’élaboration du projet de territoire et qui réunit une cinquantaine de personnes aux profils variés qui représentent des points de vue différents sur l’aménagement de la ville) et de panels citoyens (constitués d’une centaine de Liégeois.es issus de tous les quartiers qui ont eu la possibilité de s’exprimer autour de « Liège, ville des courtes distances »).

    En résumé, voici ce qui est ressorti des échanges au sein des panels et de la Fabrique urbaine :

    • La ville des courtes distances et la vie dans les quartiers est importantes pour les Liégeois.es. Ils entendent bénéficier de quartiers mixtes, riches en services et équipements ;
    • Si la vie dans les quartiers reste centrale, les participants ont aussi l’envie de profiter de la pluralité des ambiances urbaines, des quartiers et de leur identité ;
    • Un besoin de justice spatiale s’exprime et met l’accent sur l’accessibilité aux lieux de centralité et donc sur les cheminements depuis et vers ces lieux ;
    • Il y a aussi un besoin de se réapproprier l’espace public et de retrouver des lieux de rencontres, des usages diversifiés et de limiter l’emprise de la voiture ;
    • Les lieux éco-mobiles sont à conforter mais une attention doit être portée au cadre de vie et à l’accessibilité financière de cette proximité. 

    Julie Strée a ensuite passé en revue les ambitions pour « Liège, ville des courtes distances », une des trois grandes ambitions du projet, avec « Liège, ville fertile » et « Liège, ville fleuve ». Le projet de territoire planifie la ville des courtes distantes en répondant aux différents aspects évoqués : 

    • L’intensification urbaine autour des pôles (13 pôles « éco-mobiles » à intensifier) ;
    • L’aménagement de liaisons « haut-bas », entre vallées et plateaux (10 liaisons), pour connecter les quartiers et organiser la ville des proximités autour d’espaces publics requalifiés ;
    • La mise en place d’un maillage d’espaces publics de proximité (une chaine des parcs et un parc fluvial à créer pour connecter les quartiers aux espaces de nature, promouvoir de nouvelles pratiques de mobilité et de nouveaux usages).

    Pour conclure, Julie Strée a donné quelques exemples pour illustrer comment ces différents éléments se combinent de manière systémique.

    > Pour en savoir plus sur le projet de territoire de la Ville de Liège, c'est ici.

    Tania Noël, Chercheuse en Psychologie Sociale à la Faculté de Psychologie de l’ULiège, est ensuite intervenue sous l’angle de la perspective psycho-sociale pour envisager l'urbanisme de demain différemment.

    Dans le cadre de projets de territoire, on peut, en effet, se poser la question de savoir d’une part, si les populations locales vont s’approprier ces nouveaux espaces urbains développés et, d’autre part, ce qui rend les lieux qui constituent une ville attractifs pour les individus. Pour apporter des éléments de réponse, elle a présenté le sujet de sa recherche portant sur les déplacements dans l’espace public (Organisation Spatiale selon une Perspective Psycho-Socio-Environnementale) et les résultats de cette dernière :

    • L’individu se déplace dans un espace urbain sur base d’une carte cognitive, mais également d’une carte affective ;
    • La représentation affective des individus est fortement influencée par un nombre limité de lieux qui suscitent des réactions affectives plus fortes, les hotspots affectifs ;
    • Ces hotspots influencent les zones environnantes par effet de contraste et d’assimilation ;
    • Les lieux évalués positivement peuvent atténuer, mais pas neutraliser, les effets des lieux évalués négativement ;
    • Les frontières praticables accentuent les différences affectives entre les zones.

    Pour conclure, retenons qu’une ville en transformation représente des défis à relever : économiques, politiques, géographiques... mais également d’ordre psycho-socio-environnemental. Il est donc utile d’investir dans une phase de diagnostic qui inclut une dimension psycho-socio-environnementale pour analyser les dynamiques sociales préexistantes.

     

    Et si nous repensions l’aménagement de nos villes ? Et si nous explorions d’autres possibles, en nous tournant vers des modèles urbains dont le cœur serait la proximité et l’accessibilité pour une meilleure qualité de vie et une durabilité, tant environnementale que sociale ?

    Face à ces réflexions, un intérêt grandissant s’observe pour le concept des « villes quart d’heure », où tous les besoins essentiels sont accessibles en un court trajet à pied ou à vélo. Toutefois, ce modèle urbain soulève également des interrogations quant à son caractère utopique et son impact sur les inégalités socio-économiques.

    Liège a-t-elle le potentiel de devenir une ville "quart d’heure" ? Les aménagements physiques suffisent-ils à transformer la dynamique de la ville ? Comment mettre le citoyen au centre du projet et tenir compte des populations les plus vulnérables ?

    Ces questions seront au centre de la réflexion, en incluant une perspective psycho-sociale pour envisager l'urbanisme de demain sous un angle différent.