Réduire l’empreinte environnementale des soins de santé : vers une économie circulaire des déchets médicaux
Résumé
La conférence a débuté par l'intervention de Laurence Roediger, Médecin Anesthésiste au CHU de Liège, qui a posé le cadre général de la durabilité dans les soins de santé.
SI on parle beaucoup de « qualité des soins » et de développement durable, qu’est-ce que « la qualité durable des soins » ? Il s’agit de la capacité à offrir les meilleurs résultats de santé aux patients d'aujourd'hui, sans compromettre cette capacité pour les générations futures. Un enjeu fondamental.
Laurence Roediger a rappelé la relation bilatérale entre le climat et la santé : l'environnement dégradé (malnutrition, maladies infectieuses, mauvaise qualité de l'air) augmente la pression sur les services de santé, qui, en retour, consomment plus de ressources et accentuent la pression sur l'environnement. Le secteur de la santé représente à lui seul 4,4% des émissions nettes mondiales de CO2, ce qui en ferait le cinquième plus gros émetteur de la planète s'il était un pays. Cependant, elle a insisté sur le fait que l'impact ne se limite pas au carbone, citant également la pollution de l'air, l'écotoxicité, la surconsommation d'eau et l'épuisement des ressources. En Belgique, le secteur est particulièrement émetteur, représentant environ 5,5 de l'empreinte nationale, soit plus que la moyenne mondiale...
Pour réduire cet impact, plusieurs leviers d'action ont été proposés : diminuer la demande de soins par une meilleure prévention (qui ne représente que 2% du budget de la santé), opter pour une énergie plus verte, et surtout, diminuer l'intensité matière via des achats responsables. Cela implique de relocaliser la production, ce qui renforcerait par la même occasion la souveraineté sanitaire, comme la crise du Covid-19 l'a démontré. Elle a également plaidé pour le développement de dispositifs réutilisables, l'économie circulaire et l'obligation d'afficher l'empreinte carbone des produits dans les appels d'offres. Un index de développement durable pour les dispositifs médicaux a d'ailleurs été présenté, notant les produits sur des critères comme les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d'eau ou les conditions de travail. La réduction du gaspillage, l'élimination des soins inappropriés (comme la surprescription d'antibiotiques) et l'adoption de pratiques plus sobres sont également cruciales. Enfin, elle a abordé la gestion des déchets, en insistant sur la nécessité de soutenir le matériel réutilisable et les filières de recyclage, tout en visant à réduire la part des déchets à risque infectieux à 20% du total.
À sa suite, Romain Dufrasne, CEO d'Ecosteryl, a recentré le débat sur la problématique spécifique des déchets médicaux infectieux.
Il a rappelé que l'OMS et les Nations Unies ont identifié ces déchets comme un vecteur de maladies et une urgence à traiter, notamment depuis la crise du virus Ebola. En Belgique, la situation est préoccupante : 100% des déchets hospitaliers, infectieux ou non, sont actuellement incinérés, contribuant à 14% des émissions de dioxine du pays. Les déchets de la province de Liège, par exemple, doivent traverser toute la Wallonie pour être brûlés. Cependant, le cadre légal a récemment évolué en Wallonie et à Bruxelles, autorisant désormais des technologies alternatives à l'incinération pour déclassifier les déchets infectieux (B2) en déchets non dangereux. C'est dans ce contexte qu'intervient Ecosteryl, qui a développé une technologie de décontamination par micro-ondes industriels, sans utilisation d'eau ni de gaz, fonctionnant uniquement à l'électricité. Le processus consiste à broyer les déchets pour les rendre méconnaissables, puis à les chauffer à 100°C pendant une heure pour éliminer tout agent pathogène. Le produit final est un matériau inerte, prêt à entrer dans une filière de recyclage. L'objectif est de créer un écosystème circulaire où les plastiques (qui constituent environ 70% des déchets) sont triés puis valorisés par des plasturgistes. Il serait par exemple possible de fabriquer de nouveaux contenants pour déchets médicaux à partir des déchets mêmes, créant ainsi une boucle fermée. Romain Dufrasne a souligné que certains plastiques comme le polypropylène (PP) et le polyéthylène (PE) sont plus intéressants à recycler que d'autres, tel le PVC. Il a insisté sur l'importance de l'écoconception, appelant à une collaboration avec les fabricants de dispositifs médicaux pour qu'ils utilisent moins de types de plastiques différents dans un même produit, simplifiant ainsi le recyclage futur.
Enfin, Aurore Richel, Professeure Ordinaire à Gembloux Agro-Bio Tech ULiège, a élargi la perspective aux matières plastiques dans leur globalité, avant de revenir au secteur médical.
Elle a exposé des chiffres alarmants : la production mondiale de plastique dépasse 400 millions de tonnes par an et pourrait atteindre 1,34 milliard de tonnes en 2050 si rien ne change. Actuellement, plus de 98% des plastiques sont issus de ressources fossiles, principalement du charbon, et non du pétrole comme on le croit souvent. La chaîne de valeur du plastique est une source massive de gaz à effet de serre, émettant plus que le secteur de l'aviation ; ce qui est trop méconnu.
L'un des problèmes majeurs est que 40% des plastiques sont à usage unique. De plus, depuis les années 1950, moins de 7% de tout le plastique produit a été recyclé. L'Europe se positionne en leader du recyclage, mais elle exporte les déchets qu'elle ne peut traiter et en importe d'autres plus faciles à recycler, jouant un rôle ambigu.
Dans le secteur médical, les données sont parcellaires, ce qui constitue une première lacune à combler. Pour rendre le secteur plus circulaire, Aurore Richel a présenté deux pistes principales.
La première est de substituer les plastiques fossiles par des bioplastiques, issus de matières renouvelables comme les végétaux ou les déchets organiques. Ces matériaux, comme le PLA ou les dérivés d'amidon, peuvent avoir des propriétés équivalentes aux plastiques traditionnels et être biodégradables, offrant une alternative à l'incinération.
La deuxième piste concerne le recyclage. Au-delà de l'incinération (recyclage quaternaire) et du recyclage mécanique (refonte des thermoplastiques), elle a mis en avant le recyclage chimique ou tertiaire. Cette méthode émergente traite les déchets à très haute température (plus de 500°C) sans tri ni décontamination préalable, pour les convertir en gaz ou en huiles qui peuvent ensuite servir à produire de l'énergie ou de nouveaux plastiques.
Elle a conclu en soulignant la nécessité de repenser l'usage des plastiques pour tendre vers la sobriété, et d'accroître le soutien à la recherche sur les solutions biosourcées et les nouvelles formes de recyclage.
Ce compte-rendu a été rédigé avec l’aide de l’IA.
Annonce
Comment concilier excellence des soins et responsabilité environnementale ? Alors que les hôpitaux sont confrontés à une production massive de déchets, notamment plastiques, la question de leur gestion durable devient un enjeu central. Dans un contexte où les impératifs sanitaires coexistent avec l’urgence écologique, la mise en œuvre de l’économie circulaire dans le secteur hospitalier ouvre des perspectives innovantes, mais soulève aussi de nombreux défis.
Cette conférence propose une plongée au cœur de ces enjeux, en croisant les regards de la recherche, de la pratique médicale et de l’innovation industrielle. Une chercheuse spécialiste de l’économie circulaire du plastique introduira les fondements de cette approche et posera ainsi le cadre nécessaire pour comprendre les enjeux systémiques de la circularité appliquée aux déchets médicaux.
Le regard du terrain sera apporté par une médecin anesthésiste du CHU de Liège, qui mettra en lumière la réalité du bloc opératoire, responsable à lui seul de 30% des déchets hospitaliers.
Enfin, l’entreprise Ecosteryl viendra partager son expérience concrète dans le traitement des déchets médicaux dangereux.
Cette rencontre fait partie d’un cycle de conférences co-organisées avec le CHU de Liège, consacré aux défis en santé.
Objectifs de Développement Durable
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