Tourisme en mutation : comprendre les défis et opportunités pour un territoire
Résumé
Serge Schmitz, Professeur à l'Université de Liège, a débuté en posant le contexte des mutations du tourisme. Il a insisté sur le problème de la définition et de la quantification de ce secteur d’activités. La définition classique du tourisme (voyage de plusieurs jours pour loisir, détente ou affaires) ne couvre plus la multiplicité des motivations et des situations, incluant , par ex. les travailleurs saisonniers, les visites médicales ou les simples activités de loisir de courte durée.
La difficulté d'obtenir des statistiques précises est accentuée par le tourisme non observé et par l'essor des hébergements non officiels, comme Airbnb. Des études basées sur l'analyse des données de smartphones (identifiant la position des appareils la nuit en dehors du lieu de résidence) ont permis de mettre en lumière une part très importante du tourisme qui n'est pas répertoriée dans les statistiques officielles.
Serge Schmitz a caractérisé le tourisme comme un produit complexe, regroupant l'attractivité principale, mais surtout tous les services connexes (restauration, aspects organisationnels, contexte social). Pour appréhender une destination, il est crucial de hiérarchiser les attractions et de prévoir des activités complémentaires pour occuper les visiteurs sur la durée.
Il a ensuite proposé sept enjeux pour un tourisme rigoureux et rayonnant, notamment en appelant à considérer le tourisme comme une affaire sérieuse nécessitant des professionnels. Il faut concevoir le tourisme comme une expérience pour des visiteurs déjà expérimentés, cherchant la transformation personnelle. La transition numérique est un enjeu majeur, notamment pour la communication et le recueil de traces numériques, mais elle doit être gérée avec prudence. Il est également essentiel de travailler la segmentation, d'anticiper le parcours client (le client est déjà client avant l'arrivée) et de collaborer au sein de l'écosystème de la destination. Enfin, il faut se rappeler que le visiteur, s'il est satisfait, devient le meilleur ambassadeur de la destination.
Jean-Marcel Thomas, Directeur de l'Euro Space Center, fort de son expérience de terrain, a partagé ses observations sur l'évolution du secteur. Il a identifié cinq grandes méga-tendances qui bouleversent le tourisme : la technologie, la démographie, le climat, la recherche de sens et le marché. Concernant la technologie, celle-ci doit être au service de l'humain pour approfondir l'expérience touristique, notamment via la réalité virtuelle et augmentée. Quant à la démographie, l'humanité atteindra un pic vers 2040, avec une population vieillissante. Face à cette évolution et à la segmentation croissante (âge, richesse, structures familiales), le tourisme doit proposer des produits qui génèrent des émotions. Il est vital d'ouvrir le travail à un large spectre de visiteurs, de 6 à 96 ans. Le climat est devenu un facteur fondamental et imprévisible, influençant directement les choix de destination. Jean-Marcel Thomas a illustré comment même son site subit la contrainte climatique, forçant l'adaptation des horaires et des offres. L'importance du sens se traduit par la recherche d'authenticité, de valeurs et de vérités par les visiteurs, conduisant au succès d'expériences axées sur la connexion entre le corps et l'esprit. Enfin, le marché est confronté à des défis structurels, tels que la nécessité de trouver de nouveaux modèles économiques en cas de réduction des subsides et la gestion du pouvoir d'achat de la classe moyenne. La clé pour faire face à ces facteurs réside dans la capacité d'adaptation. Cela implique de se réinventer en permanence, d'être flexible, proactif, et d'éduquer les visiteurs, y compris à la présence des algorithmes.
L’exposé de Guénaël Devillet, Professeur à l'Université de Liège qui a suivi, a illustré ce que des études d’incidence menées par le SEGEFA (ULiège) permettent d’analyser en terme d’impacts économiques pour des événements spécifiques. Il a ainsi partagé des analyses d'impact relatif au circuit de Spa-Francorchamps et de festivals. Notons que l'analyse de l'impact économique distingue l'impact direct (personnel et organisateurs), l'impact indirect (fournisseurs) et l'impact induit (dépenses des personnes de loisir et touristes). Il a également souligné l'importance de la territorialisation dans l'évaluation des impacts. Les dépenses des habitants du territoire de référence sont considérées comme de la redistribution, tandis que les dépenses des visiteurs venant de l'extérieur constituent une injection financière. Guénaël Devillet a également expliqué que Les manifestations culturelles/touristiques ont deux types d'impacts. Ceux de court terme avec une croissance ponctuelle de l’économie due aux visiteurs et ceux, de long terme avec une augmentation de l’attractivité globale du territoire à de nouvelles activités sans lien direct avec l’évènement (plus difficilement évaluable).
Ndlr :les données et chiffres partagés en séance, ne sont pas retranscrits dans le compte-rendu
Enfin, Jean-Christophe Peterkenne, Directeur du GRE-Liège, a abordé la question de l'attractivité et la démarche de marketing territorial en cours. Il a rappelé que Liège a beaucoup misé sur son patrimoine et ses infrastructures depuis 20 ans. Le marketing territorial vise à objectiver la manière dont un territoire est perçu car la perception d'une destination compte pour 25 % du choix touristique. Des sondages réalisés auprès des Liégeois et d'Européens dans un rayon de 500 km ont révélé que Liège est fortement perçue comme accueillante, culturelle et animée. C'est une validation des investissements passés. Cependant, un fossé majeur a été identifié : la région de Liège n'est pas identifiée comme un territoire d'innovation, d'entrepreneuriat ou de créativité.
L'objectif futur est de fédérer tous les acteurs autour d'une stratégie de marque commune, afin d'améliorer cette perception et de continuer à cultiver les points forts. L'agence mandatée a particulièrement noté la nature protéiforme du territoire provincial, permettant de passer facilement d'une ambiance à une autre, un atout rare et séduisant. Cette démarche est essentielle non seulement pour le tourisme, mais aussi pour le développement économique et la capacité à recruter des talents (étudiants, chercheurs). Jean-Christophe Peterkenne a conclu en insistant sur la nécessité de professionnaliser les compétences et d'orchestrer les acteurs pour maximiser l'attractivité des infrastructures récemment mises à disposition.
Ce compte-rendu a été rédigé avec l’aide de l’IA.
Annonce
Quelles sont aujourd’hui les principales caractéristiques du tourisme, dans ses différentes formes, y compris le secteur du MICE (Meetings, Incentives, Conferences, Exhibitions) ? Comment en mesurer l’ampleur, notamment à travers les nuitées touristiques ? Comment évaluer son impact réel sur un territoire ? Quelles données mobiliser pour comprendre ses dynamiques, ses enjeux et ses retombées ?
À une époque où le tourisme – qu’il soit de loisirs ou professionnel – façonne profondément les espaces, les économies locales et l’attractivité des territoires, cette rencontre-conférence propose une exploration pluridisciplinaire de ses multiples facettes.
Entre analyse des grandes tendances actuelles et identification des défis rencontrés par les acteurs du secteur, ce rendez-vous sera aussi l’occasion de s’intéresser, sous l’angle territorial, aux impacts économiques et sociétaux des grands événements touristiques, en lien avec les stratégies de marketing déployées pour renforcer l’attractivité d’une destination.
Cette conférence est hébergée à la Grand Poste, dans le cadre de notre partenariat avec Noshaq.
