Orateur(s)
Guénaël Devillet Professeur Associé (Faculté des Sciences, Dpt de Géographie, SEGEFA, ULiège)
Bernard Voneche Senior Multimodal & Mobility Manager (Liege Airport)
Laurent Erhard CEO de CFL Terminals (CFL Multimodal)

Vers un hub multimodal à Liège : quels impacts pour le territoire ?

    Résumé

    Cette conférence avait pour objectif de présenter une analyse de l'écosystème de Liège Airport, les défis et opportunités de la multimodalité pour la région liégeoise, ainsi que l'exemple inspirant de la plateforme multimodale de Bettembourg au Luxembourg.

    Guénaël Devillet, Professeur Associé à la Faculté des Sciences, Dpt de Géographie, SEGEFA de l’ULiège, a introduit la discussion en établissant un cadrage de l'écosystème de Liège Airport et son impact socio-économique. L’étude présentée, bien que les chiffres soient en cours de mise à jour, permet de délimiter le périmètre strict de l'aéroport et d'évaluer les impacts économiques en termes d’emplois directs, indirects, induits et même catalytiques. Le professeur Devillet a également décrit les trois modèles de transport coexistant à l'aéroport : le transport sous agent (complexe, avec de nombreux acteurs et dédouanement parfois différé), le modèle où les marchandises sont dédouanées sur place, et le modèle intégrateur (comme TNT FedEx), où tous les métiers sont gérés en interne, offrant une valeur ajoutée plus élevée malgré un coût de transport au kilo plus important. L'écosystème s'est enrichi de forwarders et d'agents de douane (sociétés tertiaires), qui étaient quasiment inexistants il y a quelques années, montrant une réelle mise en place d'un écosystème complet autour de l'aéroport.

    Concernant la comptabilisation des emplois, il a expliqué que si le siège social et l'établissement sont sur le site, le calcul est aisé via la Banque Nationale. Cependant, l'information devient plus difficile à obtenir lorsque le siège social est ailleurs, nécessitant l'utilisation de données ONSS ou des enquêtes, en prenant soin de ne compter que la part de l'entreprise travaillant réellement pour l'écosystème aéroportuaire. En 2022, l'écosystème strict générait environ 5 000 postes de travail (4 000 équivalents temps plein). L'impact de l'opérateur historique FedEx/TNT a diminué (passant de 1 500 ETP en 2020 à 1 115 en 2024), mais cette baisse est partiellement compensée par la croissance d'autres opérateurs, ce qui témoigne de la fluctuation et de la résilience de l'écosystème. L'impact territorial est marquant : 80,5 % des salariés résident dans la province de Liège, et la commune de Grâce-Hollogne, située à proximité, affiche 11 emplois pour 1 000 habitants. Les emplois indirects, générés par la sous-traitance (maintenance, nettoyage, matières premières) et ne comprenant pas l'activité des entreprises utilisant l'aéroport pour l'acheminement de leurs biens, sont estimés par un facteur prudent de 0,62. En y ajoutant les emplois induits (activités générées par les dépenses des travailleurs, estimés à 20 % selon le Bureau du Plan), l'impact total d'un emploi direct est doublé, ce qui fait passer l'estimation totale d'emplois générés par l'activité aéroportuaire de 5 000 à près de 11 000. De plus, 65 postes de travail catalytiques sont générés par la présence des équipages qui logent dans la région.

    Poursuivant l'analyse, Bernard Voneche, Senior Multimodal & Mobility Manager à Liège Airport, a mis en perspective les tendances globales du transport, citant les projections de l'OCDE qui prévoient un quasi-doublement des flux de marchandises d'ici 20 ans, entraînant une saturation potentielle des hubs existants, et des pressions réglementaires croissantes (CO2, bruit, congestion). Face à cette explosion de la demande, notamment liée à l'e-commerce, le marché recherche des solutions de transport robustes et flexibles, avec un éventail de solutions, y compris des options plus vertes comme le train.

    Liège jouit d'une localisation géographique unique, se trouvant à la rencontre de plusieurs modes de transport. L'aéroport de Liège est le 5e aéroport cargo européen, gérant 1,5 million de tonnes de fret par an, dont 3 millions de colis par jour, et contribue à 11 000 emplois directs et indirects (chiffres de 2020). La région liégeoise est également au cœur du réseau routier (Réseau transeuropéen de transport - RTE-T) avec 82 % de la population provinciale située à moins de 5 km d'une bretelle d'autoroute, expliquant, en partie, la forte congestion. De plus, le port autonome de Liège est le 3e plus grand port fluvial d'Europe (derrière Duisbourg et Paris), s'étendant sur 380 hectares, une taille similaire aux 350 hectares de l'aéroport.

    Malgré ce positionnement quadrimodal idéal, Bernard Voneche a souligné le retard du transport ferroviaire. Le volume ferroviaire transporté sur le port autonome a été divisé par 2,5 entre 2015 et 2021. Bien que la plateforme logistique LLI (Liège Logistics Intermodal) ait vu son volume croître, d'autres plateformes sont en déclin. Les raisons de ce retard sont multiples : l'absence d'une stratégie régionale wallonne pour le ferroviaire (historiquement considéré comme une compétence fédérale), le manque d'un interlocuteur commercial ambitieux pour le fret ferroviaire, des plateformes sous-dimensionnées (comme le Trilogiport) et, point crucial, l'absence de Liège dans le réseau ferroviaire Core Network du RTE-T. Pour renforcer l'écosystème liégeois, l'aéroport vise à développer un pôle multimodal (Railport) qui complèterait l'offre quadrimodale. L'objectif est de réduire les émissions de CO₂ par transfert modal (route vers rail), d'optimiser les flux, et d'attirer de nouveaux intégrateurs et opérateurs, renforçant ainsi la résilience. Cette vision 2040 inclut la modernisation du terminal existant et la création d'un terminal de chargement horizontal (Rollport), essentiel pour le transport des semi-remorques non préhensibles (qui ne peuvent pas être soulevées par grue). Ce développement créerait de nouveaux emplois directs (opérateurs ferroviaires, manutentionnaires) et renforcerait l'attractivité du territoire.

    Laurent Erhard, CEO de CFL Terminals (CFL Multimodal) a ensuite présenté l'exemple de la plateforme de Bettembourg au Luxembourg comme modèle inspirant. Le groupe CFL (Chemins de Fer Luxembourgeois) se divise en trois branches : infrastructure, passagers, fret. La branche fret, sur laquelle il fera le focus, est privée et non subventionnée. Il a souligné que le ferroviaire est souvent méconnu et craint des logisticiens et transporteurs, principalement à cause des problèmes d'infrastructure qui peuvent causer des arrêts prolongés. 

    Le Luxembourg, dont le marché local est très petit, a fait de la logistique un pilier de son économie dans les années 2010. La plateforme de Bettembourg-Dudelange gère 95 à 98 % de son volume en transit et se situe à l'intersection des corridors Atlantique-Méditerranée et Baltique. L'historique du développement est crucial : après un petit terminal créé en 1979 pour l'industrie locale, la société a développé l'entreposage et le transport routier dans les années 90. Le tournant a eu lieu en 2007 avec la création de l'Autoroute Ferroviaire, permettant de charger des semi-remorques sur les trains.

    Le nouveau terminal de Bettembourg, ouvert en 2017 sur 33 hectares, fait partie d'un parc logistique de 100 hectares. Il opère 24h/24, 7j/7, avec une capacité de 600 000 manutentions par an (220 000 réalisées en 2024). Le terminal dispose de voies ferrées de 700 mètres, le standard européen, traitant des trains complets. Laurent Erhard a insisté sur l'importance des deux plateformes Modalohr de 700 mètres pour le chargement horizontal. Cette technologie est essentielle, car 98 % à 99 % des semi-remorques sur la route ne sont pas préhensibles. Le chargement horizontal permet de charger et décharger un train complet de 40 semi-remorques en 45 minutes. En 2024, près de 74 000 semi-remorques ont transité via cette autoroute ferroviaire. L'écosystème autour de la plateforme est riche, incluant 200 000 m² d'entrepôts proposant des services à haute valeur ajoutée ; amplitude thermique, services douaniers sur place... Un centre routier sécurisé (900 places de parking) avec des commodités pour les chauffeurs a été aménagé, ainsi qu'un atelier de maintenance des wagons et locomotives (CFL Techniques) qui sert majoritairement des entreprises tierces européennes. Le groupe fret de CFL, fort de 1 200 employés et 65 locomotives, gère plus de 45 trains par semaine sur le terminal. 

    Finalement, l'impact écologique est significatif : 147 000 conteneurs et semi-remorques en moins sur les routes l'an dernier, soit 525 000 tonnes de CO2 économisées par an, démontrant l'efficacité du transport ferroviaire multimodal pour réduire les émissions

    Ce compte-rendu a été rédigé avec l’aide de l’IA.

    Alors que les enjeux de transition logistique et de durabilité des transports s’intensifient, la région liégeoise explore la création d’une plateforme multimodale de fret ferroviaire. Ce projet, à la croisée des dynamiques industrielles, économiques et environnementales, soulève de nombreuses questions. Quels effets concrets sur l’emploi ? Quelles complémentarités avec le tissu industriel local ? Et quelles perspectives à l’échelle européenne ?

    Lors de cette rencontre, Guénaël Devillet analysera les effets directs et indirects d’un tel projet, en s’appuyant sur les données actualisées de l’étude du SEGEFA de l’ULiège sur l’emploi et les retombées économiques de l’aéroport, commandée à l’origine par l’AWEX (2019) et actualisée à la demande de la Direction générale de Liege Airport. Au-delà de l’emploi, il abordera les aspects de complémentarité avec le tissu industriel local.

    Bernard Voneche présentera la transition en cours de l’aéroport cargo vers un hub européen de solutions multimodales efficientes et exposera les perspectives et solutions d’avenir.

    Enfin, Laurent Erhard partagera l’expérience du cas concret de la plateforme multimodale de Bettembourg (Luxembourg), illustrant comment des solutions innovantes, encore absentes en Belgique, répondent déjà à des besoins concrets à l’échelle européenne.


    Cette conférence est hébergée à Liege Airport, dans le cadre de notre partenariat avec Liege Airport.

    Objectifs de Développement Durable